Nadia Lambert, infirmière, s’était portée volontaire pour aider dans un Centre d’hébergement de soins de longue durée. Elle dit toutefois avoir vécu une expérience très difficile.
«Les dirigeants ne nous appuient pas, assure-t-elle. Ils prennent des décisions sans nous consulter. Ils ont transféré un patient positif sur une unité où il n’y avait aucun cas de positif. Je leur ai supplié de ne pas faire cela. J’ai demandé de l’aide, mais ils l’ont quand même fait.»
Celle qui agit à titre d’enseignante pour les futurs préposés aux bénéficiaires note aussi un manque de communication et le non-respect des mesures de distanciation sociale. «J’ai dû demander de faire retirer des tables et chaises dans la cafétéria, car il n’y avait aucune mesure de prise.»
Par ailleurs, elle soutient que près de 80 % du personnel ne connait pas les unités, car il s’agit de personnes qui ont été redéployées à ce CHSLD.
Manque de ressources
Nadia Lambert a également constaté un manque de matériel pour assurer convenablement la sécurité des travailleurs. «Il n’y a aucun masque N95 sur place et nous devons garder la même protection tout au long de la journée.»
C’est toutefois le manque de personnel qui retient davantage son attention. «Nous manquons de bras et de temps. […] Le soir et la nuit, une seule infirmière s’occupe des quatre étages. Il est impossible de ne pas passer d’une zone froide à chaude.»
Cette situation a des répercussions chez les résidents qui vivent des moments difficiles.
«Certains patients n’ont pas été alimentés, ni changés et lavés durant certaines journées. J’ai fait manger des patients qui semblaient affamés. Ils s’enfoncent dans la déprime. Certains tournent en rond comme des lions en cage.»
Soutien
L’infirmière a pris la décision de quitter son poste volontaire en raison de la situation critique. «J’ai dû me retirer, car ma santé, autant physique que mentale, ne pouvait plus être assurée par le CHSLD et le CISSS de Laval.»
Elle doit toutefois demeurer dans un hôtel pour effectuer sa quarantaine, ne voulant pas mettre à risque ses deux fils et son mari. Il s’agit d’un montant de près de 1000 $ qu’elle devra débourser de sa poche, car l’organisation de santé a cessé de payer le tout à son départ.
«Mon plus vieux est asthmatique, donc je préfère ne pas prendre de chance, explique-t-elle. Pour le moment, je les vois une journée sur cinq en gardant les deux mètres de distance et en mettant mon masque. J’ai une famille en or et, comme toujours, elle est derrière moi.»
Elle a aussi le support du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CISSS de Laval. «L’employeur dit être au courant des manques d’équipement, mais il n’en fait pas livrer, assure Marjolaine Aubé, présidente de celui-ci. Nous étions tellement tannés de ce manque de matériel que nous nous sommes procurés 5000 masques nous-mêmes pour protéger nos membres.»
Celle-ci ajoute que de nombreuses préposées aux bénéficiaires vivent également des moments difficiles. «Il y a eu quelques démissions et certaines personnes refusent de rentrer. Par contre, la majorité des personnes que nous représentons se donnent au travail et veulent aider, mais n’obtiennent pas le soutien nécessaire.»
Réponse du CISSS
De son côté, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval a tenu à rectifier certains éléments du témoignage de Mme Lambert qui ne concorderaient pas.
«Préoccupée par les éléments rapportés dans le témoignage, la directrice intérimaire a transmis une série de questions à valider en lien avec ce témoignage à la responsable du CHSLD, explique Judith Goudreau, porte-parole du CISSS de Laval. Sur l’ensemble des faits relatés, seulement deux points requéraient un correctif.»
Ceux-ci concernent l’utilisation d’un formulaire d’administration des médicaments, ainsi que l’évaluation et le suivi d’une ergothérapeute concernant les plaies de pression.
Le CISSS affirme aussi avoir laissé deux messages à l’infirmière à la suite d’appels infructueux en lien avec son témoignage. Elle n’a toutefois jamais retourné ceux-ci.
Le CISSS l’a également référée à sa ligne de soutien psychosocial pour les employés en suivant ses procédures habituelles.