Le député de Laval-des-Rapides, Saul Polo, s’est porté à la défense de la population immigrante du Québec à la suite des propos tenus par François Legault dans le débat entourant le rapatriement de tous les pouvoirs en immigration.
«C’est assez de porter le fardeau et de servir de bouc émissaire chaque fois que le premier ministre et la Coalition avenir Québec veulent brasser le débat sur la langue et l’identité québécoise, a déclaré en entrevue au Courrier Laval le parlementaire d’origine colombienne. C’est assez de se faire du capital politique sur le dos des Québécois d’origine immigrante, qu’ils soient francophones ou non-francophones.»
Réunification des familles
Au cœur de la présente controverse: les immigrants issus du Programme de réunification des familles – sous juridiction fédérale -ne parlant pas français. Ceux-ci comptent pour près de la moitié (49 %) des quelque 14 000 citoyens que le Québec accueille bon an mal an.
Lors de la période de questions à l’Assemblée nationale, le 31 mai, François Legault s’est dit préoccupé par le déclin du français parlé à la maison. Entre 1996 et 2016, le pourcentage est passé de 82 à 79 %. Une tendance que souhaite renverser le premier ministre qui y voit «un risque que le Québec se retrouve [un jour] dans la même situation que les autres provinces canadiennes [et] la Louisiane».
Citant en exemple l’immigration économique, un volet de compétence provinciale exclusive, M. Legault a fait valoir qu’à son arrivée au pouvoir, en 2018, 55 % de ces nouveaux arrivants parlaient français alors qu’aujourd’hui ce pourcentage s’élève à 84 %. «Maintenant, on va regarder l’immigration qui est la réunification familiale», a-t-il lancé.
«Il a directement ciblé les familles d’origine immigrante qui ne parlent pas le français à la maison comme une menace pour la survie du français au Québec. Je lui ai demandé de se rétracter, ce qu’il a refusé de faire», s’insurge le député libéral.
Contrat moral
Saul Polo reproche au premier ministre de confondre les indicateurs de la langue parlée à la maison, au travail et dans l’espace public pour expliquer le recul du français dans la région du Grand Montréal.
À cet égard, il revient sur «le contrat moral de l’immigration» au Québec où les gens s’engagent, entre autres, à apprendre la langue d’usage, à étudier en français au primaire et au secondaire et à parler français dans l’espace public et leur milieu de travail.
En ce qui a trait à la langue parlée à la maison, bien qu’elle soit recensée aux cinq ans à travers le pays, elle demeure et doit demeurer un choix personnel, soutient-il. «Ça n’a jamais fait partie du contrat moral de l’immigration.»
Incidemment, celui qui a immigré au Québec à l’âge de 6 ans dit avoir toujours parlé sa langue maternelle à la maison. «Encore aujourd’hui, on a fait le choix volontaire de parler à notre fils en espagnol; ça m’appartient. C’est une façon pour moi de lui donner un outil de plus et de lui permettre aussi de découvrir ses multiples identités, dit-il en soulignant que la maman est d’origine syrienne. Le Québec qui m’a accueilli ne m’a jamais obligé de faire le choix d’une identité».
Une insulte
«C’est franchement n’importe quoi», s’est exclamée la leader de l’opposition, Dominique Anglade, au sujet du débat sur la langue parlée à la maison durant les échanges au Salon bleu.
«Est-ce que le député de Laval-des-Rapides est un frein à la croissance et au développement du Québec?» a-t-elle questionné le premier ministre. Celui-ci a reproché à la cheffe libérale d’évoquer «une anecdote» et de refuser le constat «qu’au cours des dernières années il y a de moins en moins de Québécois qui ont le français comme langue commune ou comme langue parlée à la maison».
Quant au principal intéressé, Saul Polo affirme ne pas être «un cas d’espèce ou inusité» et que les modèles d’intégration sont «rendus la norme».
«Ça démontre une méconnaissance totale de la très grande majorité des immigrants qui ont adopté le français et qui font des efforts et des sacrifies [pour le parler] dans l’espace public et au travail, mais ils sont tout aussi fiers de préserver leur culture et identité d’origine. Et ça, c’est une insulte», a-t-il réagi.
Cette controverse autour de la langue parlée à la maison l’a blessé. «Je me sens attaqué, visé; moi et bien d’autres», a-t-il terminé en pensant notamment à la population lavalloise composée majoritairement (51 %) de personnes immigrantes de première et deuxième génération.