En février, le syndicat des enseignant.e.s du cégep Montmorency (SEECM) rejetait les offres du Comité patronal de négociation des collèges (CPNC) en raison de visions diamétralement opposées.
Les offres patronales déposées le 15 décembre ont eu l’effet d’une véritable douche froide sur le personnel enseignant du cégep lavallois.
«La première fois que j’ai lu les offres patronales, je me suis sentie mal, raconte Amélie Therrien, présidente du SEECM. C’est vraiment ce qu’on pense de ce que je fais comme travail? Je me sentais vraiment comme… rien. Ce qu’ils suggéraient comme solutions aux problèmes, ça ne faisait qu’empirer la situation.»
Même si les deux parties s’entendent sur la présence de problématiques telles que le manque d’espace ou l’augmentation constante du nombre d’élèves, les solutions proposées sont aux antipodes.
«Il y a une déconnexion face aux problèmes précis auxquels sont confrontés les employés et étudiants du domaine collégial, affirme Dany Thibault, Conseiller à l’information et à la mobilisation du SEECM. Dans les demandes patronales, on aborde les enjeux problématiques sous un autre angle. ‘Il manque de monde? Ben, travaillez plus.’ C’est irréaliste à long terme.»
Selon le syndicat, les demandes du CPNC inclues notamment l’ajout de périodes de cours jusqu’à 23h, un retour à l’enseignement à distance ainsi que des coupures dans les congés liés aux situations d’invalidité.
«C’est à la limite méprisant. Ça donne l’impression que c’est nous le problème. C’est soit une déconnexion ou du mépris.»
–Dany Thibault, Conseiller à l’information et à la mobilisation du syndicat des enseignant.e.s du cégep Montmorency et enseignant en politique.
Conditions de travail
Cela fait déjà des années que les enseignants constatent un alourdissement de leur charge de travail.
«La passion peut te faire venir ici, mais si après tu souffres dans ton milieu de travail et que ça n’a pas de bon sens, la passion va finir par s’éteindre, déplore M Thibault.»
Prolongation des périodes de cours, augmentation des élèves à besoin particulier, excès des capacités dans les classes, enseignement à distance, pénurie de main d’œuvre…tous sont des enjeux préoccupants du milieu scolaire.
40% des enseignants de niveau collégial n’ont pas de poste permanent, même s’ils travaillent parfois depuis plus de dix ans au sein du collège lavallois.
Les emplois ne sont confirmés que quelques semaines avant le début de chaque session pour ces enseignants qui ont «l’impression d’être assis sur un siège éjectable en permanence.»
Au niveau salarial, les propositions faites par le gouvernement au syndicat sont en deçà des recommandations d’augmentation issues de leur analyse sur l’inflation des dernières années.
«Habituellement, on ne parle que des conditions de travail lors des négociations, exprime l’enseignante d’éducation physique. Les conditions de travail se reflètent sur les étudiants. En bout de ligne, ce qu’on veut, c’est que nos étudiant réussissent et aient une bonne expérience au cégep. Cette année, c’est différent. Si on fait une demande salariale, ce n’est pas parce qu’on se plaint le ventre plein.»
Espace et nombre d’étudiants
De l’automne 2019 à l’hiver 2023, la capacité d’accueil du Collège Montmorency a augmenté de plus de 25% en passant de 6200 à plus de 8500 étudiants.
La population, autant que la capacité d’accueil du collège, augmentent chaque année, mais l’espace physique d’enseignement n’arrive pas à suivre la cadence, faute de financement.
«On rénove à l’intérieur pour créer plus d’espace, mais la population augmente, explique le conseiller qui est également enseignant en politique. Ça va prendre des investissements en infrastructures.»
De surcroit, les étudiants restent plus longtemps au sein de l’institution, comme seulement 35% d’entre eux complètent désormais un pré-universitaire en deux ans.
Puisque le financement n’est octroyé à l’établissement scolaire que cinq semaines après le début des cours, les classes comprennent plus d’étudiants inscrits que de sièges disponibles afin d’anticiper les abandons.
«Avant, la classe pouvait compter un étudiant à besoins particuliers, témoigne Mme Therrien. Aujourd’hui, on en a cinq, six ou sept, mais maintenant ils sont là en plus des 40 autres qui n’entraient déjà pas. Si le financement pouvait être directement dans les classes plutôt que dans des enveloppes par projets, il pourrait être utilisé de façon plus juste et efficace.»