«Si j’avais 50 ans et qu’on m’offrait la mairie, je dirais non», confie Claude Lefebvre, maire de Laval de 1981 à 1989 et prédécesseur de Gilles Vaillancourt.
Il précise que ce n’est pas la charge de travail ou les nombreuses heures de travail qu’exige la fonction qui le feraient reculer, c’est plutôt la hauteur des attentes. «Ce qu’on demande aux maires, c’est plus que ce qu’on demande aux juges, déclare l’ancien avocat. On ne peut pas rencontrer des ingénieurs ou des avocats dans un cadre social. On ne peut pas jouer une partie de golf avec des entrepreneurs. C’est rendu aux apparences d’apparences de conflit d’intérêts. Même si on m’avait payé un verre de vin, on ne m’aurait pas fait changer ma décision.
«Je doute que quelqu’un de valeur aille s’exposer», avance-t-il. Être constamment sous la loupe des médias et d’être visé par «des allégations de n’importe quoi» risquent de décourager des candidats potentiels.
Prudence
Le premier maire élu à la tête du PRO des Lavallois admet qu’il a été étonné des allégations visant son successeur, Gilles Vaillancourt. «Ça me surprend beaucoup. Ce serait un système. Je n’en ai jamais entendu parler. Ça ne se pratiquait pas de mon temps.»
Après avoir noté que ces allégations entachent la réputation de M. Vaillancourt, l’homme de droit se montre prudent. «On doit attendre les preuves. [L’ex-entrepreneur Lino] Zambito n’est pas à l’abri de tout soupçon», estime-t-il.
«S’il y a eu encaissement d’argent, il doit se retrouver quelque part», dit-il en notant que le danger d’une commission d’enquête est que des gens ressortent salis à la suite des témoignages.
Réputation de la ville
Selon M. Lefebvre, la réputation de la ville de Laval n’est pas touchée dans la tourmente actuelle. Les gens qu’ils rencontrent au centre de golf, où il est administrateur, déplorent les allégations contre le maire Vaillancourt, mais reconnaissent que la Ville est bien administrée, rapporte-t-il.
L’ancien élu croit que la Ville n’est pas en péril durant l’absence de Gilles Vaillancourt. «Le directeur général est toujours là, observe celui qui insiste sur le rôle important joué par le volet administratif de la municipalité. Basile Angelopoulos [vice-président du comité exécutif] peut remplacer le maire de plain-pied et les autres membres du comité exécutif siègent depuis plusieurs années.»
PRO
Soulignant que le PRO des Lavallois n’est pas éclaboussé par les insinuations, M. Lefebvre croit que le parti est en mesure de remporter les élections de novembre 2013. «Si le maire quitte après le 4 novembre, ça n’entraînera pas le déclenchement d’une élection. Un membre du conseil municipal sera alors nommé. Ça lui donnera l’avantage de se faire connaître d’ici l’élection.»
Il fait observer que Gilles Vaillancourt avait bénéficié de cet avantage en 1989. En juillet de cette année-là, le maire actuel avait pris la relève de Claude Lefebvre qui avait quitté pour des raisons médicales.
«Certains disent qu’il est maire à vie, mais c’est la population qui l’a élu», argue-t-il.
Le parti fondé par Achille Corbo et Raynald Bossé et qui compte plus de 20 000 membres survivra, s’il reste près des citoyens, croit Claude Lefebvre.
Financement électoral
Aux élus provinciaux qui songent à restreindre les contributions qu’un citoyen peut faire à un parti, M. Lefebvre leur conseille la prudence. «Plus on resserra, plus les valises vont être grosses. L’honnête citoyen, ce n’est pas vrai qu’il met la main dans sa poche pour un parti politique», soutient-il en observant que les gens donnent plus facilement à des causes sociales.
Pragmatique, l’ancien politicien insiste sur les coûts d’une campagne électorale. «On n’y arrive pas avec des trente sous et des une piastre», déclare-t-il en énumérant les frais liés à la publicité et l’impression des affiches.
Claude Lefebvre recommande au législateur de mettre en place un financement public des partis politiques. «Le plafond des dépenses devrait être fixé suffisamment haut pour pouvoir faire campagne comme du monde.» Il conclut que cette façon de faire coûterait probablement moins cher au public.
Peu de temps après nous avoir accordé cette entrevue, l’ancien maire de Laval, Claude Lefebvre, faisait la manchette pour avoir, selon Le Devoir, empoché un cadeau de départ de 800 000 $, offert par d’importants gens d’affaires, dont certains étaient des membres influents de la mafia. Une information que M. Lefebvre a aussitôt niée.