Problème de gouvernance, gestion difficile du personnel et inefficacité des systèmes d’information sont les principaux points soulevés dans un rapport d’enquête portant sur l’hécatombe vécue au Centre d’hébergement et de soins longue durée (CHSLD) de Sainte-Dorothée, durant le début de la pandémie à Laval.
On dénonce notamment que plus de cinq niveaux hiérarchiques séparaient le PDG du Centre intégré de santé et services sociaux (CISSS) de Laval et le premier répondant gestionnaire du centre d’hébergement.
«La gestion du CHSLD de Sainte-Dorothée est compliquée par les interactions multiples avec des directions et instances beaucoup trop éloignées du terrain, relève l’enquêteur Yves Benoit dans son rapport. Le niveau d’autorité et l’expertise en gestion des cadres intermédiaires sur place permettent difficilement d’exercer un leadership efficace dans des situations d’urgence.»
Il conseille au CISSS de Laval de favoriser une structure qui placerait des gestionnaires ayant un niveau d’autorité élevé et reconnu à la tête des CHSLD de la région. Cela permettrait de prendre des décisions rapides et adaptées aux contraintes du milieu.
À titre de rappel, 100 résidents du CHSLD de Sainte-Dorothée sont décédés de la COVID-19 lors de la première vague. On a aussi dénombré un total de 211 résidents et 173 employés atteints du virus sur cette même période.
Il n’y a présentement aucune personne touchée par le coronavirus dans l’établissement.
Mouvements de personnel
Dès les premières éclosions survenues le 26 mars, une demande de personnel a été adressée à la direction des ressources humaines (DRHCAJ) à laquelle on signalait un urgent besoin de gestionnaires.
Toutefois, ceux-ci ne sont arrivés que le 2 avril alors que le CHSLD de Sainte-Dorothée était déjà en crise.
Le rapport démontre également un choc de culture entre les pratiques des médecins de famille de l’hôpital, qui ont été déployés d’urgence, et ceux en hébergement. Il s’agit même d’un facteur ayant mené à la démission de plusieurs médecins réguliers à la fin avril.
Au total, 601 employés différents ont travaillé dans cet établissement entre le 15 mars et le 30 juin. Parmi ceux-ci, 60% provenaient d’un milieu extérieur, que ce soit d’une agence, du programme «je contribue» ou étaient délestés.
Ces nombreux changements d’effectifs s’ajoutent à des «communications très difficiles et peu efficaces avec les chefs d’unité», comme il est possible de le lire dans le rapport. Cela a causé diverses situations problématiques. Par exemple, il est arrivé qu’une zone rouge et une zone de dépistage soient simplement séparées par un rideau et qu’un seul préposé était chargé de couvrir les deux zones.
«L’offre de plus de postes à temps complet doit être considérée, le recours aux agences repensé pour rencontrer cet objectif, ajoute M. Benoit. […] Il est recommandé qu’un comité, sous la supervision de la DRHCAJ, soit immédiatement formé en vue d’une réflexion stratégique.»
Il considère aussi important d’assurer une provision des équipements de protection individuelle suffisante pour le pire des scénarios.
Mise à niveau des systèmes
Cette difficulté de gestion du personnel en place s’explique notamment par un système d’information dépassé.
«Il n’est pas normal qu’en 2020, les systèmes de suivi des absences, de gestion des mouvements de personnel ne soient pas mieux secondés par la technologie qui par ailleurs, existe», ajoute l’enquêteur.
Au début de la crise dans le CHSLD, les employés devaient contacter le service de santé et leur gestionnaire en cas d’absence selon la procédure habituelle. Ce service fut rapidement débordé en raison d’un nombre d’appel bien plus élevé qu’à l’habitude.
Le rapport note cependant l’acquisition du logiciel Octopus, en avril, qui a permis d’avoir un système plus performant et qui pourra continuer d’être utilisé à l’avenir.
À la conclusion de son analyse, l’enquêteur tenait à souligner le courage et la ténacité des intervenants qui n’ont toutefois pas été suffisants pour empêcher ce triste épisode en raison de plusieurs facteurs.