Se lever et se coucher à l’heure qui nous convient, manger quand on a faim sont des choses qui nous paraissent naturelles. Mais les résidents des centres d’hébergement et de soins de longue durée semblent retrouver cette liberté que depuis peu. Une liberté incarnée dans l’approche milieu de vie, une orientation ministérielle qui place le résident au centre de la démarche.
À l’occasion de la journée porte ouverte dans les CHSLD, le 14 septembre dernier, le Centre Idola-Saint-Jean, qui a initié le processus en 2007, à la suite d’une visite ministérielle, nous fait découvrir cette nouvelle approche.
«Ici, je suis libre», clame fièrement Jean-Jacques Corriveau, résident de 80 ans. Assis dans sa chaise roulante électrique et cellulaire à la main, il parle avec enthousiasme de ses sorties dans les centres commerciaux et des visites surprises qu’il fait à ses petits-enfants.
Et l’approche milieu de vie, pour lui, débute très tôt le matin. «M. Corriveau a l’habitude de se réveiller vers 4h. Il veut son café et s’habiller, alors on s’est organisés», explique Lise St-Jean, directrice du Centre. Une petite révolution puisqu’auparavant, les heures de lever, coucher, dîner et toilette étaient définies par le personnel.
Continuité
L’approche donne une nouvelle importance au résident et à son passé.
«On essaye de créer un milieu de vie en continuité avec leur vie antérieure», précise Johanne Labrie, conseillère de vie dans les cinq CHSLD de la région. Par exemple, avant l’admission des résidents, les familles doivent remplir des formulaires portant sur la vie de ceux-ci.
Une façon de mieux les connaître, afin de mieux intervenir auprès de ces personnes, souvent aux prises avec des troubles cognitifs. «Un jour, un résident avait l’habitude de démonter notre panneau électrique. Avant, il travaillait dans la construction, alors on a compris qu’il avait ce besoin et on est allés lui acheter des outils à la quincaillerie.»
Une continuité qui se traduit également dans l’aménagement de certaines chambres, véritables «chez-soi». Meubles, draps, cadres personnels, photo de famille, beaucoup des 196 résidents n’hésitent pas à personnaliser leur chambre.
Interventions personnalisés
La meilleure connaissance des patients donne également l’occasion aux ergothérapeutes de trouver des solutions mieux adaptées.
«Avant, on faisait beaucoup de contentions. Mais aujourd’hui, on ajoute des veilleuses, des barres d’appui, pour ne plus les attacher», commente Isabelle Léger, ergothérapeute depuis 13 ans. L’impact sur la qualité de vie des résidents ne fait pas de doute, selon elle. Un aspect d’autant plus important que ces centres représentent souvent leur dernière résidence.
Gagnant-gagnant ?
Comprendre les besoins faciliterait également le travail des préposés.
«Quand une personne refuse de prendre son bain, cela peut durer longtemps. Mais si on sait pourquoi cette personne s’oppose, on perd moins de temps», illustre Lise St-Jean. Car l’approche milieu de vie n’est pas forcément plus longue, fait valoir Ginette Leblanc, de la direction du programme pertes d’autonomie liées au vieillissement. «C’est certain que le préposé doit être flexible, mais il faut que ça roule. Ils doivent pouvoir prodiguer les soins, et cela, il faut le respecter.»
Le Centre d’hébergement Idola-Saint-Jean a d’ailleurs constaté une baisse des plaintes officielles et des insatisfactions.
Réputation
Cette approche semble aller à l’encontre de la réputation des CHSLD.
Mais comment était la vie des résidents avant ? «Plus rigide», confirme Johanne Labrie. «Et la clientèle était différente. Aujourd’hui, comme on privilégie le maintien à domicile et que la population vit plus longtemps, nous avons une clientèle plus lourde à gérer», ajoute Mme Leblanc.
Sans réfuter les cas de maltraitance et de malveillance relayés dans les médias, Mme Labrie souligne qu’il ne faut pas généraliser. «Et il ne faut pas que les gens s’empêchent de venir ici à cause d’une réputation entachée. Je crois qu’il faut sécuriser les familles et les aînés», conclut-elle.
Le CSSS de Laval confirme que les cinq CHSLD de la région développent actuellement l’approche milieu de vie dans leur établissement.