(Dernière mise à jour: 10 février, 17h20)
La Ville de Laval a investi en 2021 plus de 100 000 $ dans des balançoires adaptées aux personnes handicapées. Le hic, c’est qu’elles ont été installées dans des aires de jeu ensablées, inaccessibles aux fauteuils roulants.
Ces balançoires avec sièges adaptés et inclusifs pour des enfants de 12 ans et moins ont été aménagées aux parcs des Trembles, Val-des-Arbres, du Moulin, Chopin, Pie-X, Légaré, Isabelle, Champfleury, des Saules, Jolibourg et de Lausanne, à l’automne 2021.
Voilà l’une des 110 mesures recensées dans le Plan d’action à l’égard des personnes handicapées 2021-2023, dont le bilan des réalisations 2021 a été déposé a la séance du conseil municipal du mois dernier.
Dénonciation
La situation a été dénoncée par Franca Palermo, une résidente du secteur Val-des-Ruisseaux dont la fille Olivia présente un retard de développement global.
«C’est très frustrant pour des parents», a déploré en entrevue au Courrier Laval celle qui se bat depuis plus de trois ans pour des parcs plus inclusifs à Laval.
Incidemment, en octobre 2019, Mme Palermo et son conjoint Luigi avaient déposé à l’assemblée du conseil une pétition de plus de 2200 signatures qui demandait à la Ville de reconnaître les enfants avec des besoins spéciaux et d’aménager ses parcs et aires de jeux en conséquence.
En janvier, le conseiller municipal Paolo Galati a fait une sortie en règle contre l’installation du parc des Trembles, la qualifiant de «totalement inacceptable».
Une image valant mille mots, l’élu d’Action Laval a exhibé un panneau où l’on pouvait comparer le récent aménagement de ce parc situé à proximité de la résidence des Palermo dans Duvernay-Est avec celui d’un véritable parc inclusif de Beaconsfield, que fréquente Mme Palermo avec sa fille durant la belle saison.
Il leur est «complètement impossible» d’accéder aux balançoires près de chez-elles alors que le parc dans l’Ouest-de-l’Île de Montréal en est un «soigneusement organisé» pour accueillir les personnes à mobilité réduite. «On peux-tu les faire correctement», a demandé M. Galati à propos de ces aménagements spécialement pensés et conçus pour les personnes vivant avec une limitation fonctionnelle.
Question de gros bon sens
Le maire Stéphane Boyer a d’abord assuré la bonne foi de l’administration municipale et l’intérêt que celle-ci porte envers la Politique d’accessibilité universelle adoptée en 2021.
«Je trouve juste ça plate qu’on essaie de politiser ou d’instrumentalise cette situation-là pour faire des gains politiques», a-t-il enchaîné, réfutant du coup les allégations du conseiller de Saint-Vincent-de-Paul voulant que la Ville ait coupé les coins ronds par souci d’économie.
Cela dit, le maire a exhorté les élus à ne pas hésiter à signaler rapidement ce genre de cas à son cabinet ou à la Direction générale, affirmant que personne ne souhaite investir dans des mesures qui ratent la cible.
«C’est une question de gros bon sens, a répliqué la conseillère de Saint-François et collègue de Paolo Galati, Isabelle Piché. On veut seulement soulever une erreur, qui a été commise, pour qu’elle soit corrigée et éviter qu’elle se répète dans d’autres parcs».
Dans le cas qui nous occupe, le dossier était piloté par le Service des immeubles, parcs et espaces publics (SIPEP) sous la direction de Nicolas Moukhaiber. Sous sa recommandation, le comité exécutif avait adjugé à Tessier Récréo-Parc un contrat de 106 251 $ pour l’installation des balançoires dans 11 parcs municipaux, le 22 septembre 2021.
La situation sera corrigée
«Évidemment, il y a une problématique dans ce parc-là; on ne le nie pas et on voit que l’accessibilité, c’est un long parcours pour tous les services [municipaux]. Il y a des apprentissages à faire», avait plus tôt reconnu Nicholas Borne, responsable des parcs au comité exécutif. Ce dernier a poursuivi en déclarant que cette situation «doit être corrigée».
Deux semaines plus tard, dans un échange de courriels, le Service des communications et du marketing confirmait qu’«un appel d’offres sera lancé dans les prochaines semaines».
Si tout va bien, cette démarche devrait permettre en cours d’année une accessibilité universelle aux «aires de jeu qui ont été équipées de balançoires adaptées» en 2021. Toutes, sauf celle du parc Pie-X, dans Chomedey, lequel fera l’objet d’un réaménagement complet, précise la conseillère aux affaires publiques, Nesrine Saci.
Réaction du milieu
Partenaires cités dans le Plan d’action triennal à l’égard des personnes handicapées que les élus ont approuvé le 9 janvier dernier, l’Association régionale de loisirs pour personnes handicapées de Laval (ARLPHL) et le Regroupement des organismes de promotion de personnes handicapées de Laval (ROPPHL) ont rapidement pris leurs distances par rapport aux ratés de 2021.
«On a été consultés pour la Politique d’accessibilité universelle, mais pas pour l’aménagement de ces parcs», tient à préciser la présidente par intérim de l’ARLPHL, Françoise Charbonneau.
Même constat du côté de Kim Joly, directrice générale du ROPPHL. Elle suggère d’ailleurs la mise sur pied d’un comité de travail formé de spécialistes pour accompagner «les services concernés de la Ville à toutes les étapes du déploiement des projets en accessibilité».
«Quand on met des mesures en place, il faut non seulement consulter les personnes handicapées avant, pendant, idéalement, mais aussi après», fait-elle valoir en insistant sur l’importance de toujours évaluer l’impact des différentes mesures déployées auprès de la clientèle visée.
À cet égard, Mme Joly fait remarquer à juste titre qu’aucune évaluation des actions posées n’apparaît au bilan des réalisations.