La firme Arkéos a conclu sa prospection d’un site archéologique découvert par hasard devant l’école Villemaire par la récolte d’un millier d’artéfacts provenant d’un ancien cimetière et des fondations de la maison Chartrand, du nom de Charles Chartrand, ancien bedeau de la paroisse.
D’aucuns se souviendront que le 16 septembre dernier, des ouvriers s’affairant dans ce secteur du Vieux-Sainte-Rose ont dû interrompre leurs travaux de canalisation et raccordement après avoir trouvé des ossements humains.
D’abord confiés à la police de Laval, puis au curé de Sainte-Rose, ces os ont alerté des citoyens sensibles au patrimoine et la communauté archéologique québécoise.
Le ministère de la Culture a reçu un appel d’un résident lavallois avant de contacter la Commission scolaire de Laval (CSDL), propriétaire des lieux situés au cœur de l’ancien noyau villageois de Sainte-Rose.
«La CSDL a montré une entière collaboration et l’arrêt des travaux a été décrété pour laisser le temps à des spécialistes d’évaluer le sol et la qualité des artéfacts présents sur place», raconte Justine Tétreault, archéologue depuis 2010, notamment au service de la firme Arkéos.
«Ces découvertes permettent de documenter ce qui s’est passé jadis et de trouver des réponses qu’on n’a pas aux questions qu’on se pose sur notre passé»
– Dominique Bodeven, d.g. Société d’histoire et de généalogie de l’Île Jésus et Centre d’archives de Laval
Valeur inestimable
Dès la première tranchée creusée, les fondations de la maison construite autour de 1848 par Charles Chartrand ont été découverts, sur l’emplacement qu’il avait acquis en 1815 ̶ ce lot avait été concédé une première fois vers 1729 au tout début de la colonisation de la Nouvelle-France et de l’île Jésus.
Pendant les cinq jours qui lui ont été alloués, du 4 au 8 novembre, l’équipe d’archéologues a déterré de multiples objets et fragments en établissant un périmètre comptant cinq mini-sites de cinq mètres carrés chacun. Le butin remplit quatre boîtes d’archives bien pleines.
À ce jour, l’inventaire répertorie de nombreux artéfacts figés dans le temps par l’incendie ayant ravagé la maison. Ces items datent du début à la fin du XIX<+>e<+> siècle, que ce soit un tolkien de banque, un encrier, une impressionnante pharmacopée alternative très à la mode à l’époque, des bouteilles d’alcool et os de boucherie, un jeton de jeu, de la poterie et ferronnerie, ainsi qu’une foule d’autres items encore à classer, leur nettoyage venant à peine de se terminer.
«C’est un site très beau parce qu’il a été peu perturbé, demeurant presque dans son état d’origine, continue Justine Tétreault. Par exemple: il n’y a pas eu aucun remblai. Ce chantier a une richesse complexe. Cette capsule temporelle témoigne de la culture matérielle de cette époque. C’est un cas très rare dans la grande région montréalaise qui a été énormément urbanisée.»
De trouver cette maison jouxtant l’ancien cimetière fermé en 1889 respecte la logique du bedeau qu’était Charles Chartrand puisque celui-ci officiait notamment comme fossoyeur, devant donc habiter tout près de l’église Sainte-Rose-de-Lima.
«Ces fouilles historiques montrent le fort potentiel archéologique de Laval, confie Dominique Bodeven, directrice générale de la Société d’histoire et de généalogie de l’Île Jésus et du Centre d’archives de Laval. Nous espérons qu’il y en aura d’autres ces prochaines années. Ce sont des histoires de famille [la maison] et de société [le cimetière] qui sont oubliées et que ces découvertes permettent enfin de raconter.»
L’archéologie de retour
Pour l’instant, le site demeure protégé. On a tout couvert d’une membrane géotextile et les travaux ont été remis à une date ultérieure.
«Il n’y a jamais eu de fouille archéologique de cette ampleur et aussi fructueuse dans Sainte-Rose, sinon même sur l’ensemble de l’île, ajoute Dominique Bodeven, En 1993, on avait notamment découvert quelques bouts de flèches sur des îles de la rivière des Mille Îles.»
Les derniers chantiers en règle datent surtout de 1963, alors que le ministère provincial des Affaires culturelles avait chargé Michel Gaumond, un des grands pionniers de l’archéologie québécoise, de procéder à de nombreuses fouilles exploratoires sur divers territoires. L’île Jésus avait révélé quelques trésors en termes de poterie, céramique et d’outils. Déniché sur la pointe est de l’île (Saint-François-de-Sales), le principal joyau demeure une pointe de flèche Lamoka caractérisant la période se situant de 3000 à 500 ans avant aujourd’hui (épisodes Sylvicole inférieur, moyen et supérieur) et qui est exposée par la Société d’histoire et généalogie au nouveau Centre d’exploration du Parc de la Rivière-des-Mille-Îles.