Le pianiste et chef de chant Marc Bourdeau a convaincu la soprano lavalloise Jacqueline Woodley et d’autres interprètes à s’embarquer dans une belle aventure musicale qui aura duré deux ans et donné le très généreux album Lionel Daunais mélodies.
D’aucuns considèrent Lionel Daunais comme le véritable père de la chanson populaire québécoise, lui dont on souligne le 40e anniversaire de son décès en 2022.
Baryton d’opéra, compositeur, metteur en scène, Lionel Daunais a cofondé plusieurs ensembles, dont le Trio lyrique et les Variétés lyriques, qui ont fait les belles années musicales au cœur du 20e siècle dans la Belle Province.
«J’ai découvert le répertoire de Lionel Daunais à l’adolescence avec Le vent des forêts, de relater Marc Bourdeau, l’homme derrière l’opus anthologique lancé récemment. C’était de la belle musique qui me plaisait et qui reste à l’oreille, accessible à tous mais sans nivellement par le bas.»
De son côté, Jacqueline Woodley a été initiée à plusieurs de ces pièces par le compositeur et chef de chorale lavallois bien connu Gilbert Patenaude, qui a dirigé jadis l’Orchestre symphonique de Laval, ainsi que les Petits chanteurs du Mont-Royal.
«Autant je me suis amusé avec le cycle de chansons drôles de M. Daunais, autant j’ai apprécié la beauté tendre et magnifique, très humaniste, de nombreuses de ses mélodies françaises, où l’on voit tout son charme», confie la soprano.
Genèse
Grand admirateur de Lionel Daunais, dont le travail a marqué l’histoire musicale québécoise durant plus de 50 ans, Marc Bourdeau avait déjà participé à deux projets qui ont préfacé sa dernière création.
D’abord, un spectacle mis sur pied dans les années 1990 avec son ami baryton Jean-François Lapointe, aujourd’hui directeur artistique de l’Opéra de Québec, lui fait connaître la surprenante étendue de styles préconisés par Daunais.
«Non seulement, il y avait ces chansons plus sérieuses à la mélodie française, très proche de l’opéra, mais j’ai trouvé des pièces plus folkloriques et très humoristiques, puis d’autres tournées vers la petite enfance», de se souvenir Marc Bourdeau qui ira plus loin dans sa démarche en 2016 en montant une prestation de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal entièrement dédiée à l’œuvre de Lionel Daunais.
Quatre styles
Constatant qu’il n’existe aucun enregistrement récent de ces musiques encore trop méconnues du grand public, Marc Bourdeau a convaincu une maison de disques de Toronto, spécialisée dans le répertoire canadien, d’aller de l’avant avec cet ambitieux projet.
Pour ce faire, après avoir prospecté plus de 250 chansons créées par Lionel Daunais, il a recruté un trio d’interprètes: la soprano et Lavalloise d’adoption Jacqueline Woodley, la mezzo-soprano suisse Annina Haug et le baryton Pierre Rancourt.
Se chargeant du piano et des arrangements, Marc Bourdeau s’est aussi adjoint le talent du flûtiste Michel Bellavance.
«Je ne pouvais pas copier le style lyrique de M. Daunais, mais j’ai voulu garder son esprit et respecter au plus près les mélodies», précise-t-il.
«Je connais Marc Bourdeau et son travail sur mon père, c’est un très bon pianiste à l’approche sérieuse, de souligner Louise Grenier, l’un des quatre enfants de Lionel Daunais. Son choix final de pièces a été une belle surprise, j’en étais très heureuse.»
Résultat final: le programme comprend 27 œuvres (76 minutes) chantées en duo, trio et solo, reflétant les goûts du patriarche pour la mélodie française, très proches des compositions de Fauré et Poulenc, la variété, on peut penser ici à Édith Piaf, l’humour d’inspiration folklorique, et son amour des enfants.
«Dès le début du projet, toute l’emphase a été mise sur Lionel Daunais, exprime Jacqueline Woodley. J’espère enfin qu’on lui laisse toute la place importante qu’il mérite. C’est clair que Daunais créait des musiques pour la voix et ç’a été un immense plaisir de servir cette œuvre magistrale.»
«Je suis contente que Marc Bourdeau ne s’est pas contenté des chansons les plus connues, mais en a sélectionné d’autres parmi les plus belles que mon père a écrites, tout en respectant le rythme et la diction, ce qui était très important pour lui. Je sais qu’encore vivant, mon père serait très fier du résultat», de conclure Louise Grenier, qui a habité Laval pendant plus de 40 ans.
Cette dernière se réjouit particulièrement de l’enregistrement de la toute première composition de Lionel Daunais, Les larmes, aux côtés des plus méconnues que sont La chanson du maître cordonnier et Les perceurs de coffres-forts, permettant d’aller au-delà des plus célèbres telles La tourtière, reprise notamment par la Bottine Souriante, et Le petit chien de laine.