Débouté en Cour municipale le 30 août 2006 et ainsi jugé coupable d’avoir troublé la paix et la tranquillité de ses voisins les 2 et 8 avril 2004, M. Forget en a appelé de sa condamnation devant la Cour supérieure. L’agriculteur du boulevard des Mille-Îles alléguait alors, comme motifs d’appel, que la juge Marguerite-M Brochu avait «exigé un fardeau de preuve qu’elle n’avait pas le droit d’exiger» et «excédé sa compétence en appréciant une preuve qui n’a jamais été présentée devant elle lors du procès».
Le juge lui donne raison
Après analyse du dossier, le juge de la Cour supérieure, Richard Mongeau, donne raison à Alain Forget qui prétendait que la juge d’instance était à la fois «juge et témoin».
Dans sa décision rendue le 12 juin dernier, le juge de la cour d’appel estime que la juge Marguerite-M Brochu «a pris en considération des faits non mis en preuve», que «sa pensée personnelle (…) a rendu le jugement inéquitable» et qu’en ce sens, «la justice n’a pas été rendue».
Toutefois, le magistrat n’absout pas pour autant le producteur laitier. «Il n’y a pas lieu d’acquitter l’appelant [Alain Forget] dans les circonstances, précise-t-il. Il y a lieu plutôt d’ordonner un nouveau procès sur les deux plaintes portées contre lui».
Véritable enjeu
M. Forget a décidé d’aller jusqu’au bout dans cette histoire pour faire respecter non seulement ses droits, mais ceux de tous les producteurs agricoles. «Si je ne suis pas capable de faire de l’agriculture ici, je me demande bien où je pourrais en faire», lâche-t-il, faisant allusion au fait qu’il exploite sa ferme laitière en plein cœur de la zone agricole permanente depuis plus de 25 ans. Le producteur estime que le véritable enjeu est la survie de l’agriculture périurbaine. Se plaignant du bruit qui les réveille à l’heure des poules, ses voisins André Latulippe, René Bisson, Céline Vaillant et Pascale Martel sont à l’origine des premières plaintes qui lui ont valu deux amendes de 100 $ chacune, au printemps 2004, et qu’il conteste devant les tribunaux. «Je suis rendu à 12 000 $ en frais d’avocats», reprend le producteur laitier qui n’a pas l’intention de céder, tandis que les plaintes et les amendes continuent de s’empiler. «J’en ai pour 2800 $!» fait-il part. Selon la preuve, le voisinage immédiat lui reproche le bruit engendré par ses opérations effectuées le matin entre 5h10 et 5h45, alors qu’il profite du train des vaches pour nettoyer la serre étable à bord du tracteur.
Harcèlement
Bien que «les plaintes [du 2 et 8 avril 2004] concernent uniquement les bruits matinaux», celles déposées à la suite du premier procès dénoncent le bruit à toutes heures du jour, assure le principal intéressé et ce, en dépit qu’il ait consenti à repousser l’opération nettoyage après 7h pour acheter la paix.
Le producteur laitier se dit d’ailleurs victime de harcèlement de la part de ses voisins qui, selon ses dires, s’acharneraient depuis plusieurs années. Trois des quatre plaignants dans la présente cause lui empoisonneraient l’existence depuis le début des années 2000. «Avant de se plaindre du bruit, ils se plaignaient de l’odeur. En une seule année, ils ont signalé au ministère de l’Environnement pas moins de 350 plaintes et ont intenté une première poursuite en cour», fait valoir Alain Forget. «Ça m’avait coûté 26 000 $ pour me défendre jusqu’à ce qu’ils abandonnent la poursuite».
Puis, ça reprenait de plus belle au printemps 2004 avec cette fois, en toile de fond, l’article 2 du règlement municipal L-8554 de Ville de Laval, prohibant sans aucune discrimination l’émission de tout bruit qui trouble la paix ou la tranquillité du voisinage. Trois ans plus tard, rien n’est encore réglé et les parties se retrouvent à la case départ.
Enfin, tout ce que souhaite M. Forget, c’est que l’administration Vaillancourt en vienne à amender le règlement afin d’y soustraire les agriculteurs de la zone agricole. «Ils [ses voisins] ont eu la peau d’une productrice, ils n’auront pas la mienne», termine l’agriculteur, évoquant le départ de sa femme qui, «écoeurée des pressions exercées par le voisinage», s’est poussée en début d’année dans Charlevoix avec la moitié du troupeau.
Fichier: Alain Forget