Le directeur général des élections du Québec (DGEQ) a délivré le 14 avril un constat d’infraction à l’endroit de la conseillère municipale de Laval-des-Rapides, Isabella Tassoni, à qui il reproche d’avoir transgressé la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (LERQ) à l’automne 2017.
L’information a été rendue publique le 2 août par le plaignant, Pierre Anthian, dans un communiqué coiffé du titre: «Victoire de la politique propre».
Défait par 161 voix le soir de l’élection du 5 novembre 2017, l’ex-conseiller de Laval-des-Rapides paraphrasait ainsi l’haltérophile canadienne Christine Girard, qui avait célébré “la victoire du sport propre” six ans après sa participation aux Jeux de Londres de 2012. L’athlète de Rouyn-Noranda avait été sacrée en 2018 championne olympique à la suite de la disqualification à retardement des médaillées kazakhe et russe pour dopage.
Dans une lettre adressée le mois dernier à M. Anthian, la procureure de la poursuite et avocate au Service des affaires juridiques du DGEQ, Me Gabrielle Audray Cimon, écrit: «L’analyse de la preuve recueillie au cours de l’enquête a révélé qu’il y avait eu contravention à l’article 283 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités».
L’article en question interdit toute forme de publicité et d’activité de nature partisane sur les lieux d’un bureau de vote.
Rappel des faits
Le 9 novembre 2017, quatre jours après sa défaite électorale aux mains d’Isabella Tassoni, Pierre Anthian déposait une plainte formelle visant le comportement de la nouvelle élue de Laval-des-Rapides et du chef du Mouvement lavallois, Marc Demers, qui l’accompagnait sur les lieux de votation les 29 octobre 2017, jour du vote par anticipation, puis le 5 novembre suivant, jour du scrutin.
Si la présence d’un candidat à une élection n’est pas interdite à l’intérieur comme à l’extérieur des bureaux de vote, celle-ci doit toutefois demeurer discrète, explique la porte-parole principale du DGEQ, Julie St-Arnaud Drolet. «Il [le candidat] ne peut pas mousser sa candidature sur le lieu de vote ou tenter d’une façon ou d’une autre d’influencer le vote des électeurs.»
Le jour du vote par anticipation, Pierre Anthian avait dénoncé auprès de la présidente d’Élections Laval, Me Chantal Ste-Marie, les agissements de Mme Tassoni, M. Demers et de quelques bénévoles du Mouvement lavallois présents au bureau de vote du Collège Letendre.
«Avec des parapluies de golf, ils accompagnaient les citoyens de leur voiture à l’entrée du bureau de vote», explique M. Anthian qui dit avoir lui-même eu droit au boniment de bénévoles qui ignoraient qu’il était le conseiller sortant et rival de Mme Tassoni.
Élue sous la bannière du Mouvement lavallois, Isabella Tassoni a depuis fait défection du parti de M. Demers et siège maintenant sous les couleurs de la seconde opposition, Action Laval.
Plaidoyer de non-culpabilité
Passible d’une amende maximale de 500 $, Isabella Tassoni a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité à l’infraction reprochée.
Conséquemment, le dossier a été transféré à la Cour du Québec où un procès aura lieu.
Toutefois, considérant les délais d’attente devant les tribunaux, il serait plutôt étonnant que la cause soit entendue d’ici le scrutin municipal du dimanche 7 novembre prochain, reconnaît Julie St-Arnaud Drolet.
Quant à la défenderesse, elle n’a pas souhaité réagir publiquement. «Elle ne peut pas commenter la procédure», a indiqué le représentant du parti Action Laval Giulio Maturi en évoquant la judiciarisation du dossier.
«Elle a plaidé non coupable; on la croit. On a pleinement confiance en Mme Tassoni. On la supporte à 100 %», a-t-il terminé.
Soulagé
Bien que «surpris» et «déçu» que la plainte n’a pas été retenue contre le maire Marc Demers, le plaignant se dit soulagé par les résultats de l’enquête.
La démarche initiée en novembre 2017 était «thérapeutique» pour l’ex-conseiller municipal qui était resté sous l’impression de s’être fait voler l’élection, lui qui vivait sa défaite comme «une déception amoureuse».
«Si mes adversaires n’avaient pas illégalement influencé mes électeurs devant les bureaux de vote, j’aurais peut-être remporté mes élections et j’aurais surtout pu terminer le travail qui n’a jamais été fait ces quatre dernières années», écrit celui qui avait perdu par 3 % des suffrages exprimés en 2017.
Aujourd’hui chef du parti Ma Ville Maintenant et candidat à la mairie, Pierre Anthian entend bien reprendre le temps perdu et «rétablir la politique propre, absente à Laval depuis 34 années», souligne le principal intéressé.
Aucune animosité
Nonobstant la plainte portée contre elle et son ancien chef, M. Anthian affirme n’éprouver aucun ressentiment envers Mme Tassoni.
«On est toujours en très bons termes», confie-t-il, précisant que sa conseillère municipale l’a accompagné en juin dernier dans le cadre d’une pétition liée à des enjeux de sécurité routière dans le quartier.
Faut-il rappeler que Pierre Anthian a été à l’emploi de Mme Tassoni de janvier 2019 à février 2020, soit jusqu’à ce qu’il prenne ses distances après qu’on eut appris que Mme Tassoni et deux de ses collègues d’Action Laval étaient visés par une enquête administrative en vertu de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale. Trois mois plus tard, en mai 2020, la Commission municipale du Québec (CMQ) fermait le dossier sans porter d’accusation.
Son ancienne rivale l’avait engagé afin qu’il la seconde dans son rôle d’élue de Laval-des-Rapides dans les mois suivant sa défection du parti au pouvoir.
Au moment de son embauche, M. Anthian avait d’ailleurs, dit-il, informé Mme Tassoni de la plainte déposée contre elle au DGEQ. Il ajoute que jamais il n’a été question qu’il se désiste, ce qui aurait pu «donner l’impression qu’on achetait [son] silence».