L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Cette phrase proverbiale, les citoyens des rues David, dans Duvernay, Korman et Ridgewood et de l’avenue Webb, dans Chomedey, l’ont appris à leurs dépens ces dernières semaines.
C’est que la Ville profite actuellement du remplacement des conduites d’égout et d’aqueduc sur leur rue pour implanter les mesures du Plan directeur du réseau piétonnier et se conformer aux nouveaux gabarits de rue en vigueur à Laval.
«Si ce n’était pas d’un voisin qui nous a alertés, on se serait réveillés un matin avec une cicatrice de 1,8 mètre sur notre terrain, se désole une résidente de la rue David. Ce n’était pas le projet annoncé; on nous annonçait des travaux de réhabilitation des infrastructures».
La dame, qui requiert l’anonymat comme les huit autres voisins rencontrés le 18 mai, évoque la tranchée de 260 mètres de long que le contracteur engagé par la Ville devait creuser dans l’emprise publique. L’objectif: y aménager un trottoir répondant aux critères d’accessibilité universelle.
Dans l’échange, en plus de sacrifier leur pelouse pour du béton, les citoyens perdaient au moins une place de stationnement dans leur entrée de garage en façade.
Échappé belle
Trois jours avant que ne débutent les travaux, les citoyens ont obtenu une rencontre via Zoom avec leur conseillère municipale, Christiane Yoakim, à la suite d’une pétition signée par 25 des 26 propriétaires sur la rue.
L’option finalement retenue réduit de 1,8 à 0,6 m l’empiètement sur les terrains des résidents, côté est. En revanche, ils subissent le retrait du stationnement sur rue devant leur résidence, lequel sera transformé en trottoir.
Un moindre mal pour les résidents de la rue David qui auraient plutôt souhaité conserver le droit de stationner des deux côtés. Pour ce faire, compte tenu de la démolition complète de la chaussée et des bordures, ils proposaient de «décentrer la rue» en gagnant de l’espace dans l’emprise municipale de part et d’autre de la voie publique.
«La solution suggérée par les résidents aurait été techniquement plus difficile, coûteuse et aurait eu un impact pour plus de résidents globalement. Dans le contexte où l’offre en stationnement demeurera supérieure à la demande, nous avons jugé préférable de réduire sur la largeur de la chaussée», explique la Ville.
Reste qu’à l’hiver, lors des opérations de déneigement, tous seront contraints d’aller garer leur voiture dans les rues avoisinantes, protestent des résidents résignés.
Consternation sur Webb
Dans Chomedey, ces travaux de mise à niveau des infrastructures souterraines ont semé la même consternation auprès des résidents de l’avenue Webb et des rues Ridgewood et Korman.
«Ce qui est frustrant dans tout ça, c’est qu’on avait reçu un mois auparavant [8 avril] une lettre nous indiquant qu’il y aurait des travaux d’infrastructures, explique Louis Fernandes, domicilié de l’avenue Web depuis 23 ans. Deux semaines avant le début du chantier, on a reçu [le 6 mai] un autre document qui détaillait les travaux. Ça pris tout le monde par surprise. Là, on parle de reconfigurer la rue au complet!»
En clair, la chaussée sera réduite de 12 à 9 m, les trottoirs de part et d’autre de la rue gagneront un demi-mètre pour atteindre 1,8 m chacun, un espace végétalisé (appelé banquette) de 1,7 m jouxtera le trottoir du côté ouest en remplacement de l’actuelle voie de stationnement sur rue, qui s’en trouve supprimée.
Des 36 résidences que compte la rue, 35 propriétaires sont montés au créneau, réclamant le statu quo. «On a déjà des trottoirs de 1,3 mètre, rappelle Angie Patios. Si ça doit être fait, on peut vivre avec un trottoir un peu plus large, mais une banquette végétalisée, on n’en veut pas».
Par cet aménagement, la Ville souhaite améliorer le confort des déplacements à pied et réduire les îlots de chaleur.
Pas le Plateau
Sur la rue Ridgewwod, l’élargissement des trottoirs réduira le stationnement sur rue à un seul côté.
«On n’est pas le Plateau [Mont-Royal]» s’insurge Christofer Vourakis. Il n’y a pas de marcheurs sur notre rue ni de restaurants et commerces.» Il est d’avis que les trottoirs actuels de 150 cm suffisent amplement.
«Personne ne veut ça», ajoute-t-il, étayant son propos d’une pétition qui a rallié 38 propriétaires sur une possibilité de 41.
Parmi les griefs formulés à l’endroit de l’administration Demers-Boyer, l’absence de consultation et une information qui ne circule pas. «Ils disent qu’ils sont transparents, mais comment se fait-il que 100 % des citoyens sur trois rues n’en savaient rien? Vous ne pouvez pas faire des changements comme ça sans consultation ni préavis!».
Une vidéo
Résident de la rue Korman, Steve Kromidakis y va des mêmes reproches.
«Nous avons reçu une lettre datée du 6 mai détaillant les travaux sur notre rue, trois jours après le début des travaux», dit-il.
Une semaine plus tard, les quelque 110 propriétaires résidant sur les trois rues précitées recevaient un avis en provenance du Service de l’ingénierie de la Ville. Celui-ci les informait qu’une capsule d’information répondant aux questions soulevées par les travaux sur leur rue était disponible en ligne.
«On avait demandé pour une consultation, mais ils nous ont envoyé cette lettre avec un lien [menant à une vidéo explicative]» déplore M. Kromidakis.
Plus de 75 % des propriétaires (25 sur 33) ont apposé leur signature au bas d’une pétition demandant le maintien de l’actuelle configuration de la rue Korman.
Pas de plan B
Conseillère municipale de l’opposition, l’élue de Chomedey, Aglaia Revelakis, est venue à la rencontre des citoyens qui manifestaient le 10 mai sur l’avenue Webb. Trois jours plus tard, elle déposait à l’hôtel de ville les trois pétitions attestant de la contestation citoyenne de 97, 93 et 75 % des résidents des rues affectées par l’application des nouvelles normes.
Malheureusement pour eux, ils n’auront pas droit à un plan B comme ce fut le cas pour les résidents de la rue David, à Duvernay, représentés par une élue du parti au pouvoir.
Au cabinet du maire, on explique que dans le «district de Mme Yoakim, il y avait l’alternative d’enlever des stationnements d’un côté de rue pour permettre l’élargissement du trottoir, ce qui permet plusieurs bénéfices. Dans le cas des rues Ridgewood et Korman, c’est déjà cette alternative qui est prévue. Il est à noter que selon les données recueillies par la Ville, le taux maximum d’occupation des stationnements dans ce secteur ne dépasse pas les 40 %.»
Quant à l’avenue Webb, le porte-parole du cabinet, Alexandre Banville, évoque un «enjeu de sécurité» alors que «les travaux servent surtout de mesure d’apaisement de la circulation afin de diminuer le problème de vitesse constaté sur cette rue».
Enfin, il assure que «lorsque des alternatives sont existantes et qui ne compromettent pas les objectifs de la Ville, les Services sont très heureux de collaborer avec les citoyens du secteur, comme dans le cas du district de Madame Yoakim.»
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