Président d’Investissements Elmag et actionnaire principal de l’entreprise à numéro détentrice de l’île Saint-Joseph, Luigi Liberatore commence à s’impatienter.
Quinze ans après en avoir fait l’acquisition au coût de 2,6 M$, l’homme d’affaires âgé de 77 ans fait pression sur l’administration Demers qui tarde à donner son aval à son projet de parc de maisons mobiles dont la première mouture remonte à 2011.
Mis en veilleuse lors de la mise en réserve décrétée en 2012 par le gouvernement Charest, le projet de développement de quelque 200 maisons avait été relancé en 2016, soit au lendemain de la levée du décret.
Bâtons dans les roues
En entrevue au Courrier Laval, Jean Leclerc, qui représente les intérêts du promoteur, déplore les tergiversations des autorités municipales. «On nous fait tourner en rond; on nous mets les bâtons dans les roues continuellement», dit-il en évoquant les nombreuses études que la Ville leur a exigées ces deux dernières années.
«Je n’ai jamais vu une situation comme ça», enchaîne l’urbaniste de formation qui a été à l’emploi de la Ville de Montréal pendant 25 ans.
À la Ville, on confirme que «le zonage RX-1 actuellement en vigueur sur l’île Saint-Joseph autorise différents usages, dont les maisons mobiles», mais que les «différents usages autorisés doivent répondre à certaines conditions particulières et à diverses normes d’implantation».
La porte-parole de la Municipalité, Anne-Marie Braconnier, précise que le promoteur a soumis des études et que «d’autres seront requises pour assurer la conformité et la faisabilité de ce projet».
Tout autre son de cloche du côté du promoteur. «L’ensemble des modifications demandées [le 5 juin 2020] furent transmises à la Ville [le 16 octobre] et nous anticipons une réponse au plus tard le 16 février 2021», souligne M. Leclerc qui n’exclut rien, même si un éventuel recours devant les tribunaux est la dernière option qu’il souhaite privilégiée.
De bonne foi
«Le but, c’est d’avoir une entente avec la Ville», poursuit le porte-parole de Luigi Liberatore tout en affirmant que ce dernier s’est toujours plié aux exigences de l’administration Demers.
Il en donne pour preuve la refonte en règle du projet, à l’hiver 2017, pour répondre à la demande des autorités municipales qui souhaitaient alors un projet résidentiel de plus faible densité, dit-il. Les plans sont ainsi passés de 188 maisons mobiles à 42 résidences unifamiliales projetées sur des terrains cinq fois plus grands. La demande de lotissement allait toutefois être refusée six mois plus tard. La raison ? Non-conformité aux règlements en vigueur.
Le 5 décembre 2018, le promoteur ressuscitait son projet de parc de maisons mobiles qu’il redéposait avec de nouvelles études.
Au printemps suivant, poursuit Jean Leclerc, la Ville les informait que le processus de modification des règlements d’urbanisme en concordance avec le nouveau schéma d’aménagement avait cours, d’où la nécessité pour le promoteur de produire de nouvelles études, lesquelles ont été déposées en janvier 2020. «On a dépensé près de 500 000 $ en études depuis 2008», affirme-t-il.
Détail du projet
Le promoteur présente son concept de «mini maisons mobiles» comme un «projet résidentiel novateur inspiré des nouvelles tendances de développement à faible impact environnemental».
Chaque unité abriterait une superficie de quelque 90 mètres carrés et serait assemblé en atelier avant d’être transportée sur l’île et déposée sur une parcelle de 400 mètres carrés.
La gestion des eaux usées s’effectuerait par un système de traitement privé en réseau et l’alimentation en eau potable serait assuré par le réseau d’aqueduc municipal, précise-t-on.
Les infrastructures liées aux réseaux d’aqueduc, d’égout sanitaire, d’égout pluvial et de rues nécessiteraient un investissement privé estimé à 6 M$.
Comptant pour plus du tiers de la superficie de l’île Saint-Joseph, la zone inondable abritant à l’est un immense marécage et un marais serait évidemment soustrait du domaine privé.
Avec ses 183 maison mobiles, l’aire résidentielle occuperait le quart des 35 hectares de l’île et le réseau routier 15 %, laissant ainsi 60 % de la superficie aux fins de parcs, espaces verts et de conservation.
Huguette Larochelle réagit
Présidente fondatrice de l’organisme Sauvons nos trois grandes îles, Mme Huguette Larochelle ne s’inquiète pas outre mesure, elle qui demeure convaincue qu’il n’y aura jamais de développement sur l’île Saint-Joseph comme elle le déclarait en octobre dernier lors de l’acquisition des îles aux Vaches et Saint-Pierre par la Ville au coût de 21,9 M$.
Celle qui se «bat depuis 30 ans pour sauver ces îles» étaye son affirmation de l’expérience passée, évoquant l’échec des projets de développement de 1992, 1993 et 1996, et ce, malgré l’appui de la Ville.
Si les citoyens ont eu raison des deux premiers projets en s’opposant au changement de zonage que nécessitait un développement résidentiel de maisons unifamiliales, le troisième est mort alors que les opposants n’avaient même pas voix au chapitre. Le consortium portugais, propriétaire de l’île à l’époque, avait finalement renoncé à son projet de parc de 300 maisons mobiles qu’autorise le zonage en vigueur.
«J’en déduis que même si le projet était accepté par la Ville, l’actuel propriétaire n’y donnerait pas suite pour les mêmes raisons», soutient Mme Larochelle , laissant sous-entendre qu’un promoteur n’y trouverait pas son compte.
Cela dit, elle a profité de l’occasion pour réitérer sa demande auprès de l’administration Demers à l’effet d’acquérir la 3e île de l’archipel Saint-François afin d’en faire le parc de conservation dont elle et son groupe rêvent depuis longtemps.
À lire également: Île Saint-Joseph: à la croisée des chemins