«Notre industrie est la première à avoir planté et sera la dernière à reprendre», affirme le vice-président exécutif du Groupe Hôtelier Grand Château et directeur général du Sheraton Laval, Yannick Pazzi.
Selon l’agence immobilière CBRE, le retour à la «nouvelle normalité» dans le secteur de l’hébergement n’est pas prévu avant 2023. En clair, la nouvelle réalité suggère ici un niveau d’activité inférieur de 15 à 20 % par rapport à la période avant COVID-19, précise-t-il.
Ces prévisions collent aux analyses prospectives auxquelles M. Pazzi s’est livré pour le Sheraton Laval et le Hilton Montréal/Laval qu’exploite dans la région le Groupe Hôtelier Grand Château.
Au rythme où vont les choses, le Sheraton et le Hilton boucleraient l’exercice 2020-2021 avec un taux d’occupation respectif avoisinant les 18 % et 15 %, et ce, à la condition qu’il n’y ait pas reconfinement, prenait soin d’ajouter le principal intéressé en entrevue au Courrier Laval. Dans les jours qui ont suivi cet entretien, la région passait en mode orange avant de basculer en zone rouge la semaine suivante.
M. Pazzi affirmait qu’il lui faudra attendre encore 2 ans pour espérer atteindre la barre des 50 % d’occupation, voire 4 ans pour revenir au niveau de la dernière année, alors que 80 % des 454 chambres qu’abritent les deux établissements étaient occupées quotidiennement.
Encore-là, ces projections demeurent conditionnelles à la découverte en 2021 d’un vaccin ou d’un médicament antiviral contre le virus de la COVID-19.
Le 22 septembre, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) rendait publique une étude nettement plus pessimiste.
De fait, advenant que la reprise économique ne gagne pas en vigueur rapidement, on avançait que le retour à la normale pourrait prendre plus de huit ans pour le secteur de l’hébergement et de la restauration.
Congrès
«Le Sheraton, c’est aussi le centre des congrès qui génère près de 50 % de nos revenus», mentionne son directeur général.
En date du 18 septembre, l’établissement avait essuyé des pertes de l’ordre de 90 % depuis le début de la nouvelle année fiscale, le 1er mars. «C’est une catastrophe», lâche-t-il.
La grande salle de banquet pouvant recevoir jusqu’à 1800 personnes est déserte depuis le 12 mars. En six mois, la plus importante réservation est venue d’un groupe de 35 personnes qui organisait un congrès virtuel dans le cadre d’une formation obligatoire pour des travailleurs désireux de maintenir leur permis de travail aux États-Unis, illustre Yannick Pazzi.
Et même si la demande y était, le Centre des congrès ne pourrait actuellement accueillir un congrès de plus 170 personnes, mesures de distanciation obligent.
Emplois
En temps normal, le Sheraton et le Hilton emploient plus de 400 personnes dont la moitié à temps plein.
De ce nombre, seulement 22 % est au travail.
«Au bout de trois mois, on a eu des décisions très difficiles à prendre, mentionne le dirigeant. Et s’il y avait une deuxième vague, on serait contraints de réduire encore davantage nos effectifs.»
Au moment de l’entrevue, il saluait d’ailleurs le programme de Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) sans lequel les mises à pied auraient été encore plus importantes au sein de son organisation. «C’est la meilleure mesure que nous avons eue jusqu’à présent», affirmait celui qui souhaitait ardemment le maintien du programme. Son vœu allait être exaucé quelques jours plus tard lors du discours du Trône.
Fardeau fiscal
Au-delà d’un gel de taxes, le dirigeant du Groupe Hôtelier Grand Château en appelle à un programme qui allégerait le fardeau fiscal du parc hôtelier.
«Quand on roule à 10 % de nos revenus, tout doit être revu, requestionné, réévalué», dit-il en parlant des impôts fonciers qui représentent «énormément d’argent».
En clair, pour l’année en cours, les taxes municipales totalisent quelque 900 000 $ pour les deux hôtels lavallois.
Or, considérant que l’impôt foncier constitue la principale source de financement des Villes et que celles-ci ne sont pas autorisées à adopter un budget déficitaire, les gouvernements supérieurs s’en trouvent directement interpellés.
«Si ça prend cinq ans pour retrouver notre vitesse de croisière, ça va prendre des moyens et des outils pour être capable de tenir le coup», soutient Yannick Pazzi qui préside également le conseil d’administration de Tourisme Laval.
À cet égard, il rappelle que la situation est tout aussi critique pour l’ensemble des acteurs œuvrant dans l’industrie récréotouristique.