Hier soir, les élus ont rejeté à 17 voix contre 2 l’avis de proposition à l’effet de mandater la Direction générale afin d’entreprendre des démarches en vue d’acquérir l’île Gagnon.
En l’absence de la conseillère Virginie Dufour qui, fiévreuse, s’était retirée quelques minutes plus tôt, c’est son collègue du comité exécutif Stéphane Boyer qui a pris la balle au bond et défendu d’emblée la position de l’administration Demers.
«La question n’est pas de savoir si on est en faveur ou non de la protection de l’île Gagnon, mais plutôt de savoir c’est quoi le prix réel que tout ça coûterait», a-t-il expliqué, en évoquant la flambée des prix qui accompagne une acquisition de gré à gré ou par expropriation.
Selon l’opposition, la valeur au rôle d’évaluation des terrains visés par sa proposition est de 4,8 M$. Cela représente 71,5 % de la superficie de l’île non développée.
Quant aux ambitieux projets de développement dont rêve pour son île le promoteur Olymbec, M. Boyer a tenté de se faire rassurant, soulignant leur assujettissement à l’inévitable processus de changement de zonage au cours duquel les citoyens sont toujours consultés.
Le vice-président du comité exécutif a également laissé entendre que les millions de dollars que la Ville devrait allonger pour son acquisition impliquerait de «laisser sur la table» bien d’autres milieux naturels sensibles et de grande valeur, déjà dûment identifiés et répertoriés par le Service de l’environnement.
«On choisit les trois grandes îles ou l’île Gagnon?» a illustré le maire Marc Demers, rappelant les négociations en cours entourant l’archipel de Saint-François.
Selon les estimations, le programme d’acquisition d’espaces verts d’intérêt représente un enjeu de plus de 100 M$ à Laval, ce chiffre ne tenant pas compte de leur mise en valeur, a-t-il glissé au passage.
«Les choix doivent être établis sur des bases scientifiques et des études, a enchainé M. Demers. On n’a jamais évalué la valeur [de l’île Gagnon]»
De son côté, le conseiller indépendant Michel Poissant a invité à la prudence, affirmant que des projets d’acquisition d’espaces naturels comme celui de l’île Gagnon se comptaient par dizaines à Laval.
Réplique
Le chef de l’opposition et auteur de l’avis de proposition, Michel Trottier, n’a pas manqué de rappeler la sortie publique de 14 organisations contre le développement de cette île de l’archipel de Sainte-Rose.
«Les citoyens nous ont dit: « on veut pas d’ateliers de codesign, on veut pas de construction ». Le seul codesign qu’on acceptera, ce sera pour dessiner des parcs où les gens pourront aller se promener» a-t-il lancé, faisant à la fois allusion au sondage de la Ville et à la suggestion que le maire a faite au promoteur d’impliquer les résidents dans une démarche collaborative afin de rendre son projet plus acceptable socialement.
Par ailleurs, M. Trottier juge nettement insuffisant le budget annuel de 4 M$ consacré aux acquisitions d’espaces verts – lequel n’aurait pas été bonifié depuis des années – alors que l’environnement se trouve au cœur de tous les enjeux.
Si la Ville a les moyens de bâtir un complexe aquatique de 75 M$, poursuit-il, elle pourrait très bien investir une dizaine de millions de dollars «pour acheter une île désirée» qui profiterait à «tous les citoyens de Laval» au cœur même d’un refuge faunique qu’est le Parc de la Rivière-des-Mille-Îles.
Son collègue Claude Larochelle a pour sa part minimiser les coûts d’une éventuelle acquisition.
«Le zonage résidentiel de faible densité est très restrictif et, évidemment, limite la valeur marchande de l’île, a-t-il fait valoir tout en mentionnant qu’il y a quatre ans, Olymbec s’en portait acquéreur au coût de 10 M$, incluant le manoir. Nous, on propose pas d’acheter le château de Céline et René, on propose l’achat de 71 % de l’île au prix qui sera conforme au potentiel [de développement] relativement limité».
Puis, le conseiller de Fabreville est revenu sur les propos du maire à l’effet que dans le cas d’une expropriation, le promoteur pourrait réclamer à la Ville une indemnité équivalent au profit qu’il aurait retiré de la réalisation de son projet.
«Cette fameuse notion qu’on doit payer des profits futurs aux entrepreneurs n’existe pas dans la Loi de l’expropriation; je sais qu’on l’a payé dans le cas de l’expropriation de la Place Bell et je sais que c’est venu mêler les cartes dans le cas du [boisé] Trait-Carré, mais on a juste à suivre la Loi et on va payer un juste prix», a-t-il indiqué.