Nouvelle étape dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs, la Commission spéciale mise sur pied par le gouvernement québécois a reçu le mémoire du Service police de Laval (SPL) qui veut intensifier son action afin de réduire ostensiblement la demande de services sexuels en matière de prostitution juvénile.
Le SPL est soutenu par huit organismes locaux impliqués dans cette problématique, dont le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) de Laval, Travail de Rue Île de Laval (TRÎl), la Commission scolaire et le Centre d’interventions en délinquance sexuelle (CIDS).
«Nous avons besoin d’une stratégie nationale pour enrayer l’exploitation sexuelle des mineurs qui fait l’objet d’une banalisation dans notre société, de déclarer Pierre Brochet, directeur du Service de police de Laval. Il faut changer les mentalités comme on l’a fait avec l’alcool au volant ou la cigarette dans les lieux publics.»
«On refuse que nos jeunes soient détruits pour en faire des prostitués adultes. On peut changer les valeurs d’une société.»
– Pierre Brochet, directeur du Service de police de Laval
Inverser la tendance
Le mémoire déposé met l’accent sur ce phénomène en croissance constante qui doit être vu comme un écosystème composé non pas de personnes prostituées, proxénètes et clients, mais bien de victimes, d’exploiteurs et abuseurs.
«Il faut maintenant s’attaquer particulièrement aux abuseurs chez qui on remarque une totale absence de remords et qui montrent juste une frustration de s’être fait arrêter, de continuer Pierre Brochet. La demande est extrêmement forte [dans la sollicitation de prostitués juvéniles] et ces hommes n’ont pas de dossier criminel. Ils sont de la classe moyenne; ils ont des enfants et petits-enfants.»
Cette position adoptée par Laval se veut la base d’une transformation sociale impérative. Depuis 2016, le SPL a pris en faute une quarantaine d’hommes, aucun d’entre eux n’ayant montré de signes de nervosité en entrant dans la chambre où devait se trouver une personne mineure, mais exprimant plutôt un niveau d’excitation élevé.
Approche globale
«Si on ne s’attaque pas au phénomène en général, on n’arrêtera pas l’exploitation sexuelle des mineurs qui sont ni plus ni moins dans le club-école de tout système de prostitution, de continuer Jean Fallon, chef de l’administration du programme d’intervention en délinquance à la DPJ de Laval. Les exploiteurs violent des jeunes de 13, 14 et 15 ans, en détruisant leur estime de soi et les désensibilisant. Il faut traiter ça comme tout problème de santé publique.»
D’aucuns se souviendront de l’hiver 2016 alors qu’une vague sans précédent de fugues de jeunes femmes a servi d’alerte aux principaux intervenants en matière lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs.
Depuis, les analyses et discussions ont mené à l’implantation du Programme prévention jeunesse de Laval.
«Dans notre vision, les corps et les personnes ne peuvent pas, ni être ni devenir, des objets de transactions commerciales, pas plus qu’un produit d’une quelconque industrie», martèle Pierre Brochet, qui trace un parallèle avec le marché des brocanteurs où chaque commerçant doit enregistrer un rapport à chaque objet reçu et le remettre à la police.
C’est qu’on observe un déplacement de cette marchandisation sexuelle par la location de chalets dans les Laurentides, Lanaudière, ou de AirBnB, sinon via la location plus traditionnelle d’hôtels et motels, où peuvent défiler de 15 à 25 hommes par jour. Ces abuseurs fuiraient, entre autres, la répression musclée entreprise contre l’exploitation sexuelle en sol lavallois.
«Des gens voient ça se passer sous leurs yeux! Il faut protéger nos enfants. Il faut règlementer alors qu’il est aberrant de savoir qu’on peut placer une fillette de 13 ans dans une chambre et la mettre en vente comme un objet sans que ni propriétaire ni gérant n’assume de responsabilité», de sanctionner Jean Fallon.
«À Laval, les intervenants qui luttent contre l’exploitation sexuelle des mineurs sont unanimes: il est temps de rendre intolérable et inacceptable le fait d’acheter le corps de nos filles et de nos fils», résume-t-on dans le mémoire lavallois.