Pour l’année en cours, les chantiers dans la région du Grand Montréal sont en déficit de plus de 20 000 travailleurs.
Une situation d’autant plus alarmante que les heures travaillées dans la grande région métropolitaine de Montréal demeureront au-dessus des seuils historiques de 2011-2012 pour les 10 années à venir.
Voilà ce qui ressort d’une étude réalisée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) que l’Association de la construction du Québec (ACQ) est venue présentée à Laval, le 29 octobre.
Ces niveaux records continueront de mettre une pression énorme sur les entreprises de construction, note l’économiste de l’ACQ, Jean-Philippe Cliche.
«Ce sont presque tous les métiers de la construction qui souffrent d’un manque de main-d’œuvre», observe-t-il.
Calorifugeur, chaudronnier, ferrailleur, mécanicien d’ascenseur et de chantier, opérateur d’équipement lourd, peintre, poseur de revêtement souple, soudeur et grutier figurent parmi les métiers les plus touchés.
«On s’en était assez bien sortis jusqu’ici en raison d’excellentes conditions salariales avec une moyenne de 40 $ de l’heure, des assurances collectives et le fonds de pension», souligne l’économiste dont l’industrie a finalement été rattrapée par la nouvelle réalité du marché de l’emploi.
Selon un récent sondage de la Commission de la construction du Québec (CCQ), 77 % des entrepreneurs affirment ne pas avoir été en mesure de pourvoir tous leurs postes de compagnons, 67 % leurs postes d’apprentis et 72 % leurs postes d’occupation.
Non sans conséquence
Cette pénurie de main-d’œuvre qui frappe de plein fouet l’industrie de la construction n’est pas sans conséquence, prévient l’économiste de l’association regroupant les secteurs institutionnel, commercial et industriel.
«On le voit dans les commissions scolaires», mentionne M. Cliche, où certains appels d’offres publics n’arrivent pas à attirer le moindre soumissionnaire, précise-t-il.
Un fait qui n’est pas banal considérant les investissements colossaux annoncés plus tôt cette année dans les infrastructures scolaires: 1,7 G$ pour financer 128 projets de construction et agrandissement d’écoles et 2,3 G$ pour les travaux de rénovation et maintien des bâtiments.
Juste à la Commission scolaire de Laval, cela représente 250 M$ auxquels s’ajoutent d’autres projets en attente de financement avoisinant le demi-milliard de dollars pour répondre à la croissance de la clientèle.
Marchés publics délaissés
Aux prises avec un manque de personnel, les entrepreneurs en construction sondés à la fin de l’été par la CCQ disent refuser des contrats dans une proportion de 61 %.
Pour des raisons de simplicité et facilité de paiement, bon nombre d’entre eux vont privilégier les contrats provenant du secteur privé au détriment des appels d’offres publics, signale Jean-Philippe Cliche, ce qui complique grandement la vie aux donneurs d’ouvrage publics.
L’ACQ fait justement partie de la Coalition contre les retards de paiement dans la construction, laquelle demande au gouvernement d’améliorer les pratiques et la gestion contractuelle dans les marchés publics.
«Un projet pilote a cours aux ministères de l’Éducation et des Transports visant à prédéterminer l’étalement des paiements selon l’avancement des travaux et ça se passe plutôt bien», fait valoir l’économiste.
Ce dernier en profite pour envoyer un message clair aux Municipalités qu’il invite à revoir leur façon de faire: «Les retards de paiement, c’est un enjeu majeur pour nos entreprises.»
Autre écueil
La présente pénurie de travailleurs s’inscrit dans un contexte de sursaturation du marché qui a fait exploser le prix des soumissions ces deux dernières années.
Pas plus tard que le 30 octobre, en réponse à un parti d’opposition, l’administration Demers rappelait le motif derrière l’arrêt des travaux du complexe aquatique à l’automne 2018. «Partout dans la région métropolitaine, nous constatons une hausse du nombre de chantiers et de leurs coûts. L’ensemble des villes sont confrontées à ce problème, où la surchauffe du marché de la construction fait exploser les coûts», expliquait par voie de communiqué le vice-président du comité exécutif, Stéphane Boyer, précisant du coup que les autorités municipales sont toujours «déterminées» à reprendre les travaux, mais «pas à n’importe quel prix».
Solution
Compte tenu des investissements massifs en matière d’infrastructures gouvernementales, l’ACQ en appelle au gouvernement Legault à s’attaquer prioritairement à la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.
À cet égard, elle souhaite que Québec planche sur des solutions pour aider les entreprises, notamment celles de cinq employés et moins, à prendre l’«incontournable» virage technologique qui améliorerait la productivité en chantier tout en atténuant les effets de la pénurie.