Le directeur du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval, Guy Garand, a fait le 11 février une virulente sortie contre le ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques qu’il accuse de parler des deux côtés de la bouche depuis l’adoption de la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, en juin 2017.
Ce nouveau régime d’attestation environnementale s’inscrivait, rappelons-le, dans un objectif de zéro perte nette. Comment? En exigeant, entre autres, d’un promoteur une compensation financière pour recréer, ailleurs, un milieu humide de superficie comparable à celui dont il est autorisé à remblayer aux fins de développement.
À titre d’exemple, le développeur Luigi Liberatore a dû allonger en 2018 la rondelette somme de 2,7 M$ pour compenser la destruction de milieux humides qu’a entraînée un projet commercial au quadrant sud-ouest des autoroutes 440 et 13.
Contre-productif
«Le certificat d’autorisation [CA] actuel ne freine pas l’aménagement irresponsable, mais rend plutôt acceptable socialement la destruction d’écosystèmes essentiels», déplore l’organisme que dirige Guy Garand.
Ce dernier en veut pour preuve les 14 avis ministériels délivrés l’an dernier à Laval et les 14 autres demandes actuellement sous analyse.
«On a beau mettre de l’agent dans le pool, on ne sera jamais capable de maintenir l’équilibre. C’est impossible», tranche l’environnementaliste, estimant que le montant versé en compensation ne couvre parfois qu’à peine la moitié du coût d’acquisition considérant la rareté des terrains disponibles.
D’autant plus qu’une zone humide créée artificiellement mettra des décennies avant d’atteindre le niveau d’efficacité du milieu humide naturel qu’il est appelé à compenser.
Pour avoir l’effet dissuasif désiré, enchaîne-t-il, la législation devrait plutôt contraindre un promoteur à acheter lui-même un terrain de taille équivalente et payer pour l’aménager.
Ligne dure
En cette ère de changements climatiques, M. Garand prône la ligne dure.
«Si le gouvernement est sérieux dans son objectif de perte nette zéro, qu’il cesse d’accorder des certificats d’autorisation. Un point c’est tout. On ne peut plus autoriser la destruction de milieux humides, qu’elle soit partielle ou totale, sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal.»
En moins de 25 ans, il estime les pertes en termes de tourbières, marécages, étangs et marais de même qu’en plaine inondable à plus de 600 hectares à Laval seulement. C’est l’équivalent de quelque 850 terrains de football.
«On n’est plus capable d’absorber l’eau, dit-il, rappelant le rôle essentiel de ces écosystèmes qui agissent comme des éponges permettant à la fois d’emmagasiner et traiter les eaux de pluie, contrôler des crues et mitiger les inondations exacerbées par les bouleversements climatiques. Les milieux humides sont aussi les plus gros capteurs de dioxyde de carbone.»
En plus de conserver intégralement ces milieux naturels, il faut en créer d’autres pour combler le déficit actuel, insiste le principal intéressé qui évalue la superficie de ces milieux fragilisés à 1550 hectares en sol lavallois.
Minimalement, il réclame un moratoire jusqu’en 2022, considérant que la nouvelle législation adoptée en 2017 accorde cinq ans aux Municipalités régionales de comtés (MRC) pour déposer un plan de conservation des milieux humides et hydriques afin justement de favoriser leur maintien.
«Nous faisons face à un système laxiste et un désengagement flagrant envers notre capital naturel et notre bien commun, dénonce en terminant le CRE qui réclame que l’on mette fin à ce qu’il qualifie de destruction abusive et irrationnelle des milieux humides. C’est ce capital qui nous donne une résilience face aux changements climatiques.»