Depuis l’annonce de sa retraite en pleine disgrâce, le 9 novembre 2012, le maire déchu a été arrêté et accusé sous une kyrielle de chefs d’accusation, dont celui de gangstérisme lié à un système de corruption et de collusion dans l’octroi de contrats publics qui a sévi sous sa tutelle pendant au moins 15 ans à Laval.
Trente-six autres personnes étaient également arrêtées ce 9 mai 2013 dans le cadre de la plus spectaculaire rafle jamais menée par l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
Contre toute attente, le 1er décembre dernier, celui qui avait toujours clamé haut et fort son innocence plaidait coupable aux chefs d’accusation de complot, abus de confiance et fraude et prenait aussitôt le chemin de la prison.
Voici un survol d’une longue et remarquable carrière politique, mais également un condensé des quatre dernières années qui l’ont déshonoré à la suite de son retrait de la vie publique.
1973
Élu pour la première fois conseiller municipal du district Laval-des-Rapides à l’âge de 32 ans, Gilles Vaillancourt est aussitôt nommé au comité exécutif que préside son chef et le maire élu de Laval, Dr Lucien Paiement. M. Vaillancourt sera réélu à neuf autres reprises consécutives, soit trois fois à titre d’échevin du quartier qui l’a vu naître et six fois comme maire.
1984
Après avoir déjoué une tentative de putsch en juin, le maire et chef du PRO des Lavallois, Claude U. Lefebvre, tend la main au leader de l’opposition officielle à l’hôtel de ville, Gilles Vaillancourt. Ce dernier devient aussitôt vice-président du comité exécutif et se voit alors confier les dossiers économiques. De fait, M. Vaillancourt est nommé président de la nouvelle Corporation de développement économique de Laval (CODEL), l’ancêtre de Laval Technopole.
1988
Gilles Vaillancourt négocie et signe l’accord historique du protocole d’entente entre la Municipalité régionale de comté (MRC) et le Syndicat de base des producteurs agricoles lavallois, membre de l’UPA, le 5 mai. Ce n’est toutefois que deux an plus tard que la grande opération de dézonage agricole sera scellée par décret gouvernemental. Résultat: 4444 hectares basculent en zone blanche, soit près de 40 % des terres jusque-là réservées à l’agriculture. Du coup, on crée la zone permanente agricole de Laval, couvrant 28 % de l’île Jésus.
1989
À cinq mois des élections municipales, Gilles Vaillancourt est nommé maire intérimaire le 8 juin. Il succède ainsi à Claude U. Lefebvre, qui démissionne en raison de problèmes de santé, lui qui avait subi au printemps un triple pontage coronarien. Durant sa première campagne à la mairie, M. Vaillancourt fait du métro et du pont dans l’est ses deux principaux chevaux de bataille. Il remporte la mairie et 22 des 24 sièges au conseil municipal.
1990
Le second schéma d’aménagement et de développement du territoire de la MRC de Laval entre officiellement en vigueur le 2 février, soit moins de trois mois après que Gilles Vaillancourt eut été élu maire pour la première fois. Le «hic» est que cet incontournable outil de planification, qui doit normalement être révisé aux cinq ans, demeurera inchangé pendant son long règne de 23 ans à la mairie.
1993
Pour son second mandat, Gilles Vaillancourt obtient 61 % des suffrages à la mairie et balaie 23 des 24 districts électoraux. Seul le candidat indépendant Maurice Clermont dans le district Saint-Sylvain résiste à la vague du PRO des Lavallois.
1995
Gilles Vaillancourt est élu président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Il occupera ses fonctions jusqu’en 1997.
L’année 1995 marque également la mise en examen de l’administration Vaillancourt et la Société de transport de Laval (STL). Le ministre des Affaires municipales d’alors, Guy Chevrette, nomme au printemps le vérificateur externe Jacques Martin, appelé à faire la lumière sur le mode d’attribution des contrats publics.
1996
Le premier incubateur québécois dédié aux biotechnologies voit le jour au printemps à la faveur du Centre québécois d’innovation en biotechnologie (CQIB), une initiative conjointe de Laval Technopole et l’Institut Armand-Frappier.
1997
Gilles Vaillancourt devient le premier maire de l’histoire de Laval à se voir confier un troisième mandat. Malgré que 6 Lavallois sur 10 votent contre lui, il profite de la division du vote pour rester en poste. Ses rivaux et candidats à la mairie Daniel Lefebvre, Marie-Josée Bonin et Yves Gratton obtiennent successivement 29, 26 et 4 % des suffrages. M. Vaillancourt devra toutefois composer avec la présence de cinq conseillers de l’opposition au conseil municipal.
1999
Les géants Alexis-Nihon et Ivanhoé Cambridge annoncent à trois mois d’intervalle les deux plus importants projets de développement immobilier de l’histoire de Laval. Le premier groupe acquiert au coût de 25 M$ le terrain vacant du quadrilatère Concorde-Montmorency auquel il destine un développement urbain intégré; le second pose le premier jalon de ce qui deviendra le Centropolis.
2001
À l’élection du 4 novembre, Gilles Vaillancourt et le PRO des Lavallois écrivent une nouvelle page d’histoire en faisant élire leurs 21 candidats. Ce quatrième mandat, il l’exercera sans opposition, une première à Laval. Le même scénario se reproduira lors des scrutins de 2005 et 2009. Si bien que M. Vaillancourt règnera sans partage au conseil durant les 11 dernières années d’un règne de 23 ans. En juin 2001, la Ville obtient le statut fiscal de Cité de la biotechnologie et de santé humaine du Grand Montréal.
2002
Le premier ministre Bernard Landry inaugure le 18 mars le plus gros chantier de l’histoire de Laval, lié au prolongement du métro à Laval. Annoncé une première fois en 1989 par Robert Bourassa, le prolongement du métro avait fait l’objet d’un engagement électoral de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard lors des campagnes de 1993 et 1998, qui les avaient portés au pouvoir.
2004
La Ville accorde l’exclusivité de l’enseignement supérieur au coeur de la Cité du savoir à l’Université de Montréal. Quatre ans plus tard, le groupe Pomerleau remporte la soumission et le contrat de construction pour le pavillon de l’UdM. Construit au coût de 51 M$, le campus de Laval accueille sa première cohorte d’étudiants en septembre 2011.
2007
Cinq ans après leur mise en chantier, les trois stations de métro Cartier, de la Concorde et Montmorency sont inaugurées au printemps. Débutés sous le gouvernement péquiste de Bernard Landry, les travaux sont complétés sous le règne de Jean Charest. Estimée en 1998 à 179 M$, la facture finale s’est élevée à 745 M$. La folle escalade des coûts s’expliquait, entre autres, par l’ajout d’une 3e station et l’erreur dans le calcul du tracé. Les ingénieurs avaient oublié un kilomètre sur un circuit en totalisant 5,2.
2008
Coup d’envoi des travaux qui permettront le parachèvement de l’autoroute 25 et la construction du pont dans l’est que Laval réclamait depuis près de 40 ans. La construction est réalisée en mode partenariat public-privé (PPP). L’année 2008 marque également une année record avec des investissements de 1,7 G$, un sommet encore inégalé. Entre 2001 et 2012, la Ville a généré chaque année plus d’un milliard de dollars, tous secteurs d’activité confondus.
2009
En campagne électorale, M. Vaillancourt prend l’engagement de doter la municipalité d’un Complexe multifonctionnel culturel et sportif au coût de 98 M$ avec la participation financière des gouvernements supérieurs. Malgré le retrait d’Ottawa, la hausse des coûts, la contamination et l’instabilité du terrain au Carré Laval qui contraignent la Ville à déplacer le projet près de la station Montmorency, M. Vaillancourt confirme qu’il va de l’avant avec le projet en février 2012. Construite au coût de 200 M$, la Place Bell sera inaugurée en septembre 2017.
2010
Les députés Serge Ménard et Vincent Auclair provoquent un séisme en révélant, à la mi-novembre, des histoires d’enveloppe brune impliquant Gilles Vaillancourt. Ce dernier aurait notamment offert au candidat péquiste 10 000 $ en argent comptant lors de l’élection partielle de 1993 remportée par M. Ménard dans Laval-des-Rapides. M. Vaillancourt nie tout et somme les députés de se rétracter, faute de quoi il menace de les poursuivre. Un an plus tard, le maire renonce à son projet de poursuite. «L’Histoire jugera», dira-t-il. Rappelons que 10 jours après les troublantes révélations des deux députés, M. Vaillancourt n’avait eu d’autre choix que de se retirer du conseil d’administration d’Hydro-Québec, où il avait été nommé par le conseil des ministres de Jean Charest en 2007.
2011
Au printemps, le 20 mai plus précisément, on roule pour la première fois sur le pont à péage de l’autoroute 25, un peu plus de trois ans après sa mise en chantier. Construit au coût de 500 M$, ce tronçon de 7,2 km compris entre le boulevard Henri-Bourassa, à Montréal, et l’autoroute 440 sera exploité et entretenu par le partenaire privé Concession A25, et ce, jusqu’en 2042.
2012
Gilles Vaillancourt capitule après un règne de 23 ans à la mairie. Le 9 novembre, il démissionne en pleine disgrâce, lui qui s’était retiré temporairement le 24 octobre pour des raisons de santé. Au cours des trois semaines précédentes, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) de la Sûreté du Québec avait effectué une série de perquisitions à son bureau à l’hôtel de ville, sa résidence et son condo en construction à l’île Paton et dans des institutions financières où il détenait des coffrets de sûreté.
2013
L’UPAC frappe un grand coup le 9 mai: 37 personnes sont arrêtées en lien avec un réseau organisé et structuré dans l’octroi de contrats publics. Parmi les prévenus, l’ex-maire Vaillancourt fait face à une kyrielle d’accusations, dont celle d’avoir été le chef d’une organisation criminelle. Une semaine plus tard, la commission Charbonneau fait entendre le premier d’une vingtaine de témoins permettant de mettre au jour le système de corruption et de collusion qui prévalait sous le règne de Gilles Vaillancourt. Laval est mise sous tutelle début juin.
2014
À l’occasion d’une conférence préparatoire à l’enquête préliminaire du mégaprocès lié à Gilles Vaillancourt à la fin mai, la procureure de ce dernier informe la juge que son client conteste sa citation à procès au regard des chefs d’accusation liés au gangstérisme.
2015
L’enquête préliminaire de l’ex-maire Gilles Vaillancourt et ses coaccusés s’ouvre le 7 avril au palais de justice de Laval, frappée d’une ordonnance de non-publication. Le 19 août, le maire déchu révise sa position et accepte d’être renvoyé à procès pour gangstérisme. En octobre, l’administration Demers poursuit solidairement pour 12,8 M$ l’ex-maire, deux anciens hauts fonctionnaires et les actionnaires de l’entreprise de construction Nepcon.
2016
Le 1er décembre, à la surprise générale, Gilles Vaillancourt plaide coupable à des accusations réduites de complot, abus de confiance et fraude et prend aussitôt le chemin de la prison. Selon l’entente convenue entre les parties, l’ex-maire rembourserait 8,6 M $ à la Ville de Laval, dont plus de 7 M $ en provenance de comptes bancaires suisses en plus de purger une sentence de 6 ans derrière les barreaux. Le juge James Brunton prend l’affaire en délibéré jusqu’au 15 décembre, où il confirme la sentence.