Une jeune fille de 17 ans qui s’accroupit tellement elle souffre de crampes au ventre et révèle être victime de violence de la part de son père.
Une camarade de classe qui s’arrête et confie qu’elle passera en cour la semaine suivante pour le procès de son ex-copain qui la harcelait et maltraitait.
Une autre revivant des épisodes ayant mené à la condamnation et l’incarcération de son ancien amoureux il y a deux ans.
Joannie Beaulieu-Miller, intervenante de 10 ans d’expérience présentement à la maison de Lina, a vu et entendu son lot de réactions et confidences depuis le début du projet Les couloirs de la violence amoureuse, visant à informer les jeunes sur ce qu’est une relation amoureuse saine et les sensibiliser sur la violence amoureuse.
«On se sert de cette expérience sensorielle pour ouvrir la conversation sur le sujet, mentionne Mme Beaulieu-Miller, l’une des animatrices du parcours. Ils ont été préparés à cette visite en classe. Au départ, on les amène à réaliser que la violence amoureuse n’est pas quelque chose qui se voit à l’œil nu, en plus d’insister sur l’importance des amis.»
La gradation
En petits groupes de quatre personnes maximum, les visiteurs cheminent dans un couloir étroit, assistant à la relation d’adolescents, une fille et un garçon, sans nom ni âge précis. De la rencontre à la comparution en cour de justice, en passant par les premiers signes de jalousie maladive, on revit le contrôle vécu par la victime, le chantage émotif la confinant à une angoisse permanente et l’isolement, jusqu’aux menaces de suicide ou de mort.
La chambre de la fille et une penderie deviennent prétexte à parler des vêtements du quotidien que le garçon trouve soudainement trop sexy. Son journal intime donne les premiers indices du potentiel nocif de sa relation encore jeune. Dans la pièce suivante, un téléphone sert à faire entendre la violence verbale et psychologique qui s’installe. Plus loin, un miroir reflète la confusion de la victime ne reconnaissant plus son copain qui lui reproche tout et rien.
Puis ce sont les excuses, la première réconciliation concrétisée dans une invitation au restaurant. L’incessante roue de la violence conjugale est ainsi démontrée: tension, agression, justification, rémission (lune de miel) et ainsi de suite.
Le deuxième segment prend la forme d’une école. «Après être entré dans la tête de la fille, sa perte d’appétit, sa nervosité à fleur de peau, sa peur, on entre dans l’univers du garçon, ajoute Joannie Beaulieu-Miller. Je n’ai jamais vu une activité de sensibilisation s’adresser aussi efficacement aux victimes qu’aux agresseurs.»
Une sortie au cinéma devient l’élément déclencheur de la rupture, souvent synonyme d’une hausse de la dangerosité dans la relation qui ici aboutira en cour de justice. Une policière attend un élève pour lui faire mettre les mains au mur, le menotter et faire signer une prise d’empreintes et promesse de comparaître. Peu après, celui-ci se placera au box des accusés.
«À ce stade, les élèves vivent très concrètement l’impact de cette violence, souligne Mme Beaulieu-Miller, qui finit par remettre aux participants une carte détaillant les ressources en sol lavallois. L’effet sur eux ne manque pas d’être puissant chaque fois!»
Chiffres éloquents
Selon les résultats tirés de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire, datant de 2014, une majorité d’entre eux a été victime de violence dans une relation amoureuse. Au Québec, selon un échantillon d’élèves de 3e, 4ee et 5e année du secondaire, 63 % des filles et 51 % des garçons ont indiqué avoir vécu au moins une forme de violence dans une relation amoureuse au cours des 12 derniers mois.
À Laval, les trois maisons d’aide et d’hébergement aux femmes victimes de violence conjugale (les maisons l’Esther, de Lina et le Prélude) ont accueilli 606 femmes et enfants victimes de violence conjugale en 2015, en plus d’avoir répondu à 3326 demandes d’aide allant de l’écoute téléphonique jusqu’à des accompagnements à la cour.
À la Police de Laval, on indique que depuis 2010, 327 dossiers de violence conjugale sont traités en moyenne chaque année.