Dépeints comme des contributeurs assidus aux cocktails de financement du Parti du maire Gérald Tremblay, les dirigeants des firmes de génie-conseil Dessau et Cima+, MM. Jean-Pierre Sauriol et Kasimir Olechnowicz, étaient en 2004 particulièrement proches de Bernard Trépanier, le directeur du financement d’Union Montréal aussi connu sous le nom de «Monsieur 3 %», en raison de la cote qu’il aurait perçue des entrepreneurs en retour de contrats d’infrastructures octroyés par la Ville.
C’est du moins ce qu’a laissé entendre l’ex-organisateur d’Union Montréal, Martin Dumont, lors de son témoignage devant la Commission Charbonneau, le 30 octobre.
M. Dumont a indiqué avoir vu à la permanence du Parti, en 2004, Jean-Pierre Sauriol et Casimir Olechnowicz s’enfermer dans le bureau de M. Trépanier.
Selon ses dires, il y aurait vu M. Sauriol «un maximum de deux fois» et M. Olechnowicz «au moins trois fois».
Chaque fois, ces rencontres duraient une quinzaine de minutes et se déroulaient derrière une porte close et des stores verticaux fermés.
«C’était le modus operandi», a soutenu M. Dumont, soulignant la présence d’un coffre-fort sous le bureau de M. Trépanier.
À cet égard, il a rappelé qu’à l’automne 2004, à un an des élections municipales, il avait prêté main-forte à Bernard Trépanier, qui n’arrivait plus à fermer la porte du coffre-fort, tellement il contenait d’argent. Des billets rouges (50 $), bruns (100 $) et roses (1000 $), a précisé le témoin de la Commission.
Dessau et Cima+ nient
Dans un communiqué publié le 31 octobre, le président et chef de la direction de Dessau, Jean-Pierre Sauriol, a déclaré n’être «jamais allé dans les locaux du parti Union Montréal», pas plus d’ailleurs que «dans les bureaux de quelque autre formation politique que ce soit».
Pas un mot toutefois sur les allégations de M. Dumont, selon lesquelles le vice-président principal chez Dessau, Rosaire Sauriol, aurait été vu «au moins cinq fois» dans le bureau de Bernard Trépanier à la permanence d’Union Montréal, toujours en 2004.
La question adressée dans la boîte vocale de la conseillère aux Communications externes chez Dessau, Jessie-Kim Malo, est demeurée sans réponse.
Du côté de Cima+, le PDG Kazimir Olechnowicz a aussi réfuté les insinuations voulant que lui et son vice-président exécutif Yves Théberge aient été vus au bureau de Bernard Trépanier.
«Ces insinuations sont fausses. Nous ne sommes jamais allés dans les bureaux de la permanence du parti du maire [de Montréal]», peut-on lire dans un communiqué signé de sa main, mis en ligne le 1er novembre sur le site Internet de Cima+.
Grand patron de cette société de génie-conseil, M. Olechnowicz est bien connu à Laval pour présider depuis de nombreuses années aux destinées de la Fondation Marcel Vaillancourt, du nom du défunt père du maire de Laval, Gilles Vaillancourt, venant en aide à l’enfance lavalloise.
Gomery
À la Commission Gomery, qui portait sur le scandale des commandites, les firmes Dessau et Cima+ avaient également été évoquées au printemps 2005.
On y avait appris que chacune avait été sollicitée pour une contribution de 50 000 $ en pleine campagne électorale de 2000 par Clément Joly, alors président de la Commission finances de l’aile québécoise du Parti libéral du Canada (PLC).
Cette année-là, Dessau avait contribué pour 29 704.07 $ et CIMA+ pour 26 893.38 $, indique le rapport financier du PLC.
Rappelons qu’à cette époque, les entreprises pouvaient financer les partis politiques fédéraux comme bon leur semblait. Depuis 2004, les entreprises ne sont plus autorisées à financer les formations politiques à Ottawa.
Accurso
Pour en revenir au témoignage de l’ex-organisateur d’Union Montréal, Martin Dumont a partagé à la Commission Charbonneau un appel qu’il avait reçu de Bernard Trépanier, le matin du 19 novembre 2004.
«Il m’a dit: « Martin, il faut que tu me rendes service, il faut que tu ailles chercher cinquante mille documents à Laval ».»
Il était ici question de 50 000 $ qu’il devait aller cueillir au restaurant Onyx qu’exploitait Tony Accurso aux Galeries Laval.
« Tu vas demander à rencontrer le propriétaire du restaurant qui s’appelle Tony (…) Le nom du restaurateur, c’est monsieur Tony Accurso », lui aurait alors précisé Bernard Trépanier.
Deux jours plus tôt, le 17 novembre 2004, M. Dumont s’était vu remettre à sa plus grande surprise une enveloppe de 10 000 $ en espèces des mains de Nicolo Milioto, un entrepreneur qui faisait le lien entre la mafia montréalaise et l’industrie de la construction.
Cette enveloppe destinée à Bernard Trépanier lui aurait été remise aux toilettes du Buffet Antique, où se déroulait un cocktail de financement d’Union Montréal.
Durant cette soirée, alors que le maire Gérald Tremblay prononçait un discours, M. Trépanier aurait confié ces mots à Martin Dumont: « Martin, j’ai de la misère à fermer mon «jacket» (…) J’ai trop d’enveloppes dans mon veston. »