L’entretien et la sécurité des ponts sont sur la sellette depuis l’effondrement du viaduc de la Concorde. Pour le Réseau de centres de recherche ISIS (Innovation en structures avec systèmes de détection intégrés), l’alarme a sonné il y a plus de dix ans, lors de sa création, en 1995.
Pour réduire la fréquence et les coûts d’entretien et augmenter la sécurité des ponts, des chercheurs se sont regroupés et ont développé deux technologies de pointe dans la conception et la construction des structures: les matériaux composites de polymères de fibre de verre ou de carbone et des capteurs intelligents sur fibre optique.
Le pont Joffre, inauguré à Sherbrooke en 1997, combine les deux technologies. Grâce à des capteurs intégrés à sa structure, la résistance de l’ouvrage qui est conçu à l’aide de matériaux composites peut être évaluée en temps continu. «Ce sont des fibres optiques, en fibre de verre, qui sont collées soit sur une armature à l’intérieur de la structure ou à l’extérieur de la structure», explique Kenneth Neale, professeur en génie civil à la Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke et vice-président du Réseau ISIS. «Lorsqu’il y a une déformation dans la structure, on a un signal. C’est une façon de faire le monitorage et de mesurer l’état de la structure.»
Le stationnement étagé Webster, toujours à Sherbrooke, ainsi que plusieurs autres structures au Québec et au Canada bénéficient des technologies ISIS, dont le pont de la Confédération, qui sépare les provinces du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince- Édouard, et le pont de Beddington Trail, à Calgary, en Alberta.
Les matériaux composites et les capteurs sont également utilisés dans la conception d’édifices, de stationnements, de canalisations ou de centrales nucléaires, comme Gentilly II, au Québec. L’objectif du Réseau ISIS: voir les technologies développées utilisées couramment d’ici 2010.
Plus résistant
Les composites de PRF (polymère renforcé de fibres), «sont des matériaux qu’on utilise dans des applications où on utilisait l’acier, auparavant», explique Kenneth Neale. «Normalement, une dalle de pont en béton est renforcée avec des armatures d’acier. Mais on peut les renforcer avec les armatures de PRF. L’avantage, c’est que ce sont des matériaux légers et résistants à la corrosion.»
Lorsque la corrosion se met de la partie, l’acier prend de l’expansion et fait éclater le béton, explique M. Neale. Les PRF sont par ailleurs six fois plus forts et cinq fois moins lourds que l’acier.
Plus rentable
Les PRF sont plus chers que l’acier, mais l’écart entre les deux matériaux s’est rétréci, au cours des dix dernières années. Si on considère les coûts étalés sur la durée de vie d’un pont, il est cependant plus avantageux d’opter pour les PRF que pour l’acier, selon M. Neale. «Si on le fait avec de l’acier, l’entretien doit se faire beaucoup plus tôt que si c’est fait avec des composites. La durée de vie avec des composites est plus longue. Ce qui explique qu’il est plus rentable d’utiliser des composites.»
La technologie des PRF, développée à l’origine pour le renforcement des structures dans les régions où l’activité sismique est importante, est très utilisée dans les régions à risque, comme en Californie ou au Japon.
Elle n’est cependant pas une panacée, prévient M. Neale. Quand il y a des erreurs de conception, tout peut arriver, dit-il. Si les conclusions de la Commission d’enquête sur l’affaissement du viaduc de la Concorde vont dans ce sens, les PRF n’auraient évidemment pu éviter la tragédie. «Même avec des techniques conventionnelles, ce genre d’événement ne devrait pas arriver; c’est extrêmement rare», estime l’ingénieur.