La version améliorée et bonifiée du projet de la Cité du cinéma n’a pas eu l’effet escompté auprès de la grande majorité des citoyens qui se sont exprimés à l’assemblée de consultation publique, tenue le 13 décembre dans un centre de congrès du centre-ville.
De fait, il aura fallu attendre 58 minutes après l’ouverture de la période d’échanges et le 12e intervenant pour entendre un premier appui favorable. «Je félicite monsieur Trudel [le promoteur] pour sa ténacité et sa persévérance», a lancé d’un ton affirmé Pierre Collin, qui réside dans Saint-François depuis 36 ans.
À l’issue de cette assemblée consultative de plus de 3 heures, à laquelle ont assisté quelque 150 personnes dont 86 via la plateforme Teams, la nouvelle mouture n’avait rallié que 6 des 28 citoyens ayant pris la parole.
Un portrait qui détonne avec celui de la première consultation tenue en juillet 2022, où la majorité des 13 citoyens entendus – dont quelques artisans de l’industrie – se disaient en faveur du projet d’implantation d’un complexe cinématographique d’envergure internationale en bordure de l’avenue Marcel-Villeneuve.
Essentiellement, les objections citoyennes tournent autour de l’incompatibilité d’un usage industriel au cœur même d’un environnement dominé au nord par la zone agricole permanente et au sud par l’affectation urbaine inscrite au Schéma d’aménagement, dont la fonction dominante est vouée au développement résidentiel.
Inquiétudes
Les opposants s’inquiètent des impacts qu’entraînera cette activité industrielle sur la qualité de vie dans le voisinage.
Aux arguments touchant la nuisance sonore et la pollution lumineuse, le directeur du Service de l’urbanisme, Hugo Rousseau, a fait valoir que «la grande majorité des activités et des tournages» se dérouleraient à l’intérieur des studios et que des conditions optimales avaient été prévues pour limiter les nuisances lors d’activités produites à l’extérieur.
Quant à la congestion routière appréhendée sur l’un des deux seuls liens est-ouest menant à Saint-François, en l’occurrence l’avenue Marcel-Villeneuve déjà très achalandée selon certains intervenants, le projet de Cité du cinéma n’aurait pas un impact majeur, a indiqué Pierre Cardinal du Service de l’ingénierie, affirmant que cette «artère secondaire importante à Laval peut supporter une importante circulation de transit».
À cet égard, une étude de circulation a révélé que les impacts se feraient davantage sentir aux feux de circulation à la hauteur de l’avenue Roger-Lortie et de la montée Masson, à 3,5 kilomètres à l’ouest de l’entrée du site. Cela dit, une voie de virage à droite en direction est pour accéder au futur complexe pourrait être aménagée afin d’alléger la circulation autour du projet.
Par ailleurs, l’industrie du cinéma et ses intenses journées de travail font que les artisans arrivent très tôt et repartent très tard, ce qui ne viendrait pas alourdir le trafic aux heures de pointe, a aussi souligné l’ingénieur municipal.
Destruction du paysage
Résidente de Duvernay-Est, Sylvie Lalonde a déploré «la destruction du paysage naturel» face à la ferme Forget, là où elle s’adonne à l’autocueillette des petits fruits durant la belle saison dans un environnement paisible et bucolique. Elle a peine à concevoir la cohabitation des usages agricole et industriel. «Je suis pas sûre que je vais avoir le goût d’y cueillir encore mes framboises.»
Le terrain municipal qui se déploie sur 2,2 millions de pieds carrés au quadrant sud-ouest de l’avenue Marcel-Villeneuve et de la rue de l’Harmonie, dont la promesse d’achat au coût de 32,1 M$ par le promoteur Michel Trudel est conditionnelle à la délivrance d’un permis de construction, se trouve dans le périmètre d’urbanisation, a rappelé l’urbaniste de la Ville Maxime Larochelle.
Le site avait beau être en culture ces dernières années, a-t-il reconnu, il n’en demeure pas moins un secteur d’expansion urbaine dûment inscrit depuis 2017 au schéma d’aménagement et du développement du territoire révisé (SADR).
«Le schéma date d’avant la pandémie», allait toutefois nuancer Alexandre Choquet, biologiste au Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval. La précarité des chaînes d’approvisionnement mondiales mise au jour par la crise sanitaire a depuis ramené au goût du jour l’enjeu de la souveraineté alimentaire. «Ces terres étaient cultivées il y a trois ans pour du maïs et contribuaient à notre garde-manger lavallois et québécois», a continué celui qui suggère de réinclure dans le giron de la zone agricole permanente ces 20 hectares qui en avaient été retirés par le gouvernement du Québec dans les années 1990.
«En fait, il y a 200 hectares de terres cultivées à l’heure actuelle qui sont menacées de disparaître dans Saint-François», a terminé M. Choquet en parlant de ces «terres martyres» en zone blanche qui représentent un pourcent de la superficie totale de la Ville de Laval.
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