L’équipe de la professeure Simona Stäger de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont fait une découverte dans le cadre de l’étude du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Les chercheurs ont identifié le mécanisme par lequel les lymphocytes T CD4 mémoire – un type de cellules au rôle majeur dans la réponse immunitaire chez l’humain – sont prédisposées à la mort cellulaire chez les personnes vivant avec le VIH.
La professeure Stäger et son équipe sont partis de travaux publiés dans Cell Reports en 2018. Ceux-ci avaient été réalisés sur des cellules de souris infectées par le parasite Leishmania donovani. On y décrivait comment un milieu inflammatoire chronique prédispose certaines cellules à la mort cellulaire aussi appelée «apoptose».
Cette prémisse les a encouragés à penser qu’un tel mécanisme pourrait se retrouver dans d’autres maladies infectieuses chroniques, telles que le VIH.
«Il s’agit d’une découverte importante, puisque ce mécanisme de mort cellulaire que nous avons démontré pourrait avoir des implications dans d’autres types d’infections chroniques comme la COVID-19 ou la leishmaniose viscérale chez l’humain», note la professeure Stäger par communiqué.
Empreinte moléculaire
Chez la plupart des personnes vivant avec le VIH et suivant un traitement antirétroviral, une inflammation résiduelle persiste malgré un certain contrôle de la charge virale par ce traitement. Les cellules mémoire T CD4 de ces personnes sous traitement sont réputées pour être sujettes à l’apoptose.
Jusqu’à aujourd’hui pourtant, ce mécanisme demeurait en grande partie inconnu.
Les chercheuses et chercheurs ont ainsi trouvé que les cellules mémoire T CD4 ont une expression plus élevée du récepteur TLR7 et du facteur de transcription IRF5, ce qui représente une empreinte dans ces cellules – et les prédispose à la mort cellulaire. Les résultats démontrent également que les peptides inhibiteurs d’IRF-5 peuvent bloquer cette prédisposition.
L’empreinte observée est la conséquence d’un environnement inflammatoire chronique. Les résultats pourraient donc avoir des implications pour d’autres maladies infectieuses du même type.
Cellules mémoire
Une cellule mémoire permet au système immunitaire de mieux se prémunir contre un agent pathogène après une première rencontre avec celui-ci. C’est le principe de base des vaccins, qui provoquent une réponse immunitaire mémoire et induisent ainsi une immunité contre l’agent infectieux. La perte de ces cellules mémoire représente donc un risque majeur chez toute personne souffrant d’une infection chronique.
Ainsi, chez 80% des personnes vivant avec le VIH et recevant un traitement, cette découverte permettrait de renforcer la sauvegarde des cellules mémoires. Pour les 20% d’individus chez qui le traitement demeure inefficace, l’avancée proposée par l’équipe de la professeure Stäger pourrait potentiellement ouvrir la porte à une thérapie plus adaptée.
Notons que le projet a été mené de front par la doctorante à l’INRS Liseth Carmona Perez.
Son intérêt de recherche porte sur les maladies infectieuses et les lymphocytes T, des cellules qui jouent un grand rôle dans la réponse immunitaire chez l’humain. Liseth a travaillé sous la supervision de la professeure Stäger, et a été accompagnée par trois autres étudiantes, ses collègues Linh Thuy Mai, Tanja Stögerer et Sharada Swaminathan, au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de Laval.
Dans le cadre de cette publication des résultats dans la revue JCI Insight, la professeure Stäger et la doctorante Carmona-Perez ont collaboré avec le laboratoire de la docteure Betsy Barnes du Feinstein Institute for Medical Research à New York.
Ils ont aussi travaillé avec des spécialistes du VIH, soit le docteur Jean-Pierre Routy de l’Université McGill et son postdoctorant Stéphane Isnard, ainsi que Julien van Grevenynghe, professeur à l’INRS, et Xavier Dagenais Lussier, étudiant au doctorat à l’INRS au moment de l’étude. (N.P.)