Deux fois en moins d’un an, Sylvie Richer a été confrontée aux limitations de son handicap au moment d’aller exercer son droit de vote.
Le 1er octobre, jour d’élections provinciales, elle s’est rendue à l’école Hébert, dans Saint-François, où son bureau de scrutin avait été aménagé au sous-sol. Une fois sur place, elle a la surprise de constater que le bâtiment n’a pas été mis aux normes depuis l’affront subi 11 mois plus tôt.
Lors des élections municipales du 5 novembre 2017, Mme Richer avait été contrainte de voter dans le vestibule du bâtiment où, au bout d’une heure d’attente, le personnel électoral lui avait installé une table et un isoloir. Une expérience «très embarrassante et humiliante», peut-on lire dans la plainte en discrimination pour motif fondé sur le handicap, déposée au printemps dernier devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).
«Étant donné la plainte, je me disais qu’ils avaient sûrement rendu les lieux accessibles à l’aide d’une plaque élévatrice pour descendre et monter l’escalier, a-t-elle indiqué lors d’un entretien téléphonique la semaine dernière. Ce qu’on m’a dit, c’est que j’aurais dû regarder ma carte de rappel.» Elle aurait alors su que l’école Hébert n’était toujours pas accessible aux fauteuils roulants et aurait ainsi pu aller voter par anticipation, là où les bureaux sont aménagés pour les personnes à mobilité réduite.
Finalement, le lundi 1er octobre, ils se sont mis à deux – son conjoint et le préposé à l’information et au maintien de l’ordre (PRIMO) – pour la soulever dans son fauteuil et descendre les escaliers menant au bureau de scrutin.
Lutte à finir
Cette cause tient particulièrement à cœur le Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), qui accompagne Sylvie Richer dans sa démarche.
«Moi, j’ai perdu mon droit de vote aux élections municipales en 2009», témoigne Linda Gauthier, directrice générale de l’organisme voué à la défense et promotion des droits des personnes en situation de handicap.
Elle est d’ailleurs à l’origine de l’amendement apporté, l’an dernier, à l’article 188 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (LÉRM) à l’effet que le bureau de vote «doit de plus être accessible aux personnes handicapées».
Mme Gauthier parle toutefois d’une demi-victoire, car l’article prévoit qu’un président d’élection qui ne serait pas en mesure de s’y conformer doit justifier au conseil municipal sa décision d’établir tout bureau ailleurs que dans un tel endroit. «En 2017, à Laval, il y avait 8 bureaux de scrutin non accessibles aux personnes à mobilité réduite le jour du scrutin», déplore-t-elle, tout en précisant que l’accessibilité universelle avait été respectée à Montréal et Québec.
«Les gens qui n’ont pas de limitation ont le choix d’aller voter le jour qu’ils veulent. Pourquoi est-ce que ça devrait être différent pour les personnes handicapées?, questionne-t-elle. C’est frustrant à la longue de ne pas avoir les mêmes droits et services, surtout pour un droit fondamental comme celui-là.»
Femme engagée
Selon la dirigeante du RAPLIQ, ils sont plusieurs à subir le même sort et à se résigner à voter par anticipation sans jamais porter plainte, rappelant au passage que le choix des électeurs n’est pas nécessairement arrêté une semaine avant le jour du scrutin.
«Mais là, on est tombée sur une femme très revendicatrice, prête à se rendre jusqu’au bout pour défendre les droits des personnes en situation d’handicap», se réjouit Linda Gauthier.
Si elle n’avait jamais porté plainte pour discrimination jusque-là, Sylvie Richer n’en est pas moins très impliquée, elle qui siège depuis 10 ans au Comité consultatif conjoint sur l’accessibilité (CCCA) de Laval à titre de représentante des citoyens. Cette instance municipale voit notamment à établir un plan d’action triennal visant aussi bien la mise à niveau des édifices et équipements publics, les réseaux routier et piétonnier que les services aux citoyens.
Retraitée de Santé Canada où elle a travaillé pendant 30 ans, Mme Richer a fait campagne l’année dernière sous la bannière du Parti Laval – Équipe Michel Trottier où elle se présentait dans le district Saint-Vincent-de-Paul. Les valeurs d’inclusion sociale et du respect des personnes handicapées étaient d’ailleurs au cœur de son engagement politique. L’ironie du sort a voulu qu’elle soit discriminée le jour de l’élection.