À partir de 2019, Ève Rajotte a été confrontée à des problèmes de vision centrale. Celle-ci diminuait sans cesse, mais ce n’était pas suffisant pour l’empêcher de poursuivre ses études et la pratique de sa passion: le patinage artistique.
Ève était en cinquième secondaire. Elle devait lire un livre dans le cadre d’un cours et croyait ne pas avoir bien mis le verre de contact de son œil droit, car elle avait de la difficulté à lire ce qui était écrit.
Le problème s’est toutefois poursuit, puis s’est développé dans son œil gauche. Après une visite chez des spécialistes, le verdict est tombé: Ève avait la maladie de Leber. Celle-ci se caractérise par une perte graduelle de la vision centrale. Les hommes sont plus à risque, mais il n’est pas impossible qu’elle touche les femmes.
«J’ai dit à ma mère que je ne voyais pas bien et ça lui a tout de suite sonné une cloche, car mon oncle avait cette maladie, explique celle qui habite Sainte-Dorothée. Au début, ce n’était pas flagrant, mais ça s’est développé.»
Ève a dû cesser la pratique du soccer et ne pouvait plus conduire. À l’école, elle devait se donner un point de repère avec ses amies pour que celles-ci puissent la rejoindre à la cafétéria.
«Je n’avais pas besoin de canne ou quelque chose du genre pour marcher, mais je ne pouvais pas reconnaître les visages, précise-t-elle. Ça ne paraissait même pas que j’avais ça. Il y a juste mes amies qui le savaient. J’ai développé d’autres sens, mais c’est sûr que c’était vraiment stressant quand je n’étais pas avec des gens que je connaissais.»
Elle comparaît sa vision à une vitre de douche embuée au travers de laquelle il était possible de voir les formes et la lumière, mais sans faire la distinction des visages.
Amélioration
À un certain point, la vision de l’étudiante de 20 ans s’était tellement détériorée qu’elle ne pouvait ni distinguer ni compter les doigts d’une main se trouvant à quelques pouces de son visage. Elle était même considérée non voyante sur le plan légal.
Ève Rajotte n’a toutefois pas abandonné, consultant des spécialistes de l’Institut Nazareth et Louis-Braille, ainsi que du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Ces derniers lui ont recommandé d’essayer un traitement qui n’était pas encore été approuvé au Canada.
La Lavalloise a aussi modifié ses habitudes de vie. Elle a changé son alimentation, ne prenait pas d’alcool et s’est assurée d’éviter d’être en contact avec de la fumée.
«C’est une maladie tellement rare qu’il n’y a pas assez de statistiques pour savoir ce qui allait avoir un impact ou non, explique-t-elle. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté.»
Il va sans dire que le tout a fonctionné, car elle a remarqué une amélioration au mois d’avril 2021. Quelques semaines plus tard, elle était en mesure de lire presque comme avant. «Les médecins n’en revenaient pas, dit-elle fièrement. Ils disaient que c’était vraiment rare et une stagiaire a rédigé un article sur mon rétablissement.»
Aujourd’hui, Ève pourrait cesser de prendre ces médicaments, mais elle continue de le faire pour s’assurer que la situation soit stable. Elle prévoit ne plus en avoir besoin et mettre cette maladie derrière elle d’ici quelques années.
Résilience
Malgré cette épreuve, Ève n’a jamais cessé de pratiquer le patinage artistique, un sport qui la passionne depuis qu’elle est toute jeune. Comme pour les autres facettes de sa vie, elle s’est adaptée en fonction de la situation.
«J’étais dans le sport-études; on pratique à la Place Bell, note celle qui évolue pour Patinage Laval. Mes entraîneurs étaient tous au courant. Les autres patineurs sont tous mes amis, donc ils faisaient aussi plus attention.»
Elle estime que le plus difficile demeurait les compétitions. Pendant les échauffements, elle se retrouvait sur la glace avec des patineurs d’autres clubs ne connaissant pas sa condition. Elle travaillait avec son entraîneuse qui l’aidait et la guidait.
Cette résilience lui a d’ailleurs valu un Prix Pierre-Marchand en décembre 2021. Par ce prix, Sports Laval honore une personne s’étant distinguée par sa persévérance à pratiquer sa discipline malgré les épreuves de la vie.
«Je veux continuer les compétitions de patinage artistique durant les prochaines années. Avec la COVID-19, les épreuves ont pris un peu de retard, mais j’aime vraiment ça et je veux continuer», conclut Ève Rajotte.