Les propriétaires de lots dans le prolongement de la rue Cyrille-Delage, dans le quartier Auteuil, sont à bout.
Voilà 20 ans qu’ils attendent pour se faire construire et tout indique qu’ils devront patienter encore au moins 8 autres années avant d’espérer pouvoir mettre à profit leur investissement immobilier.
La bombe a été larguée le 25 octobre dernier via un courriel émanant de la Direction générale de la Ville de Laval. Après 10 ans de démarches soutenues dans la foulée d’une demande de services municipaux (DSM-050) déposée en février 2013, on leur annonçait «la fermeture de la demande» en raison d’une capacité de traitement insuffisante du réseau municipal d’assainissement des eaux.
Enjeu de surverses
Une mise à jour des enjeux liés aux ouvrages de surverse – par où transiteraient les eaux pluviales et usées d’un éventuel développement résidentiel – a révélé une situation plus critique que prévue.
«La Ville ne peut plus accueillir de nouveaux projets de développement nécessitant un prolongement de réseaux qui sont tributaires de l’ouvrage de surverse Monette jusqu’à ce qu’elle ait mis en œuvre une ou des mesures pour accueillir de nouveaux débits», peut-on lire.
L’ouvrage de surverse Belgrand a également atteint sa pleine capacité, précisait la Ville dans une correspondance précédente tout en affirmant avoir «épuisé l’ensemble des mesures compensatoires qu’elle avait identifiées pour ces deux ouvrages» afin d’éviter des débordements supplémentaires.
À cet égard, la Direction générale rappelait que «tout projet visant le prolongement d’un réseau d’égout sanitaire, pluvial et d’aqueduc est assujetti à une demande d’autorisation auprès du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE)».
L’administration municipale a beau mettre «tous les efforts nécessaires» pour pallier le problème, «l’ampleur de la tâche» est telle qu’elle doit renoncer au parachèvement de la rue Cyrille-Delage jusqu’en 2030, écrite-elle.
Objection
Les 35 propriétaires fonciers représentés par Daniel Guilbault, également propriétaire, se sont non seulement formellement opposés à la fermeture de leur dossier au Service des demandes de services municipaux (SDSM), mais demandent aujourd’hui à la Ville de «compléter la réalisation des infrastructures […] dans un délai raisonnable de deux ans».
En clair, ils veulent que la Ville de Laval respecte l’engagement pris le 22 décembre 2004 à l’effet de réaliser les travaux d’aqueduc, d’égout pluvial et sanitaire, de pavage de bordure, de trottoir et d’éclairage. «C’est en vertu de cette lettre d’engagement que les propriétaire ont accepté de payer», rappelle M. Guilbault en évoquant la taxation sectorielle perçue pendant 12 ans sur leur compte de taxes. Par l’entremise de cette taxe spéciale, les propriétaires auraient déboursé environ 1,5 M$ pour financer la mise en terre des collecteurs d’eaux usées et pluvial.
La goutte de trop
Par ailleurs, ce que Daniel Guilbault juge inacceptable, c’est la politique de deux poids, deux mesures qu’il reproche à la Ville. Il en donne pour preuve le feu vert qu’aurait obtenu un développeur pour un projet domiciliaire au quadrant sud-ouest des rues Thibault et Cyrille-Delage.
«C’est la goutte qui a fait déborder le vase», peste celui qui dit tenir l’information de sources sûres. D’autant que ce développement domiciliaire déverserait ses eaux usées et de ruissellement dans les collecteurs payés par des propriétaires à qui on refuse de développer leur propre terrain depuis 20 ans, poursuit leur porte-parole.
Ce dernier chiffre à plus de 2,7 millions de dollars l’ensemble des sommes perçues en taxes auprès des 35 propriétaires qu’il représente. Ceux-ci disposent de terrains dans l’axe de la rue Cyrille-Delage, entre les rues Mérida et Thibault.
Lettre aux élus
Devant la décision de la Direction générale de la municipalité de reporter à 2030 le projet de parachèvement de la rue Cyrille-Delage, M. Guilbault et son groupe ont décidé d’en alerter les élus, tous paliers de gouvernement confondus à Laval.
Hier, mercredi 25 janvier, les 21 conseillers municipaux, les 6 députés provinciaux et les 4 députés fédéraux ont tous reçu par courriel une lettre dénonçant l’injustice dont ils se disent victimes.
On y rappelle, entre autres, l’adoption du règlement municipal décrétant en 1993 l’installation de services municipaux dans le prolongement des rues Cyrille-Delage et Thibault, l’engagement du comité exécutif en 2004 de parachever la rue Cyrille-Delage et «la trahison» de l’ancien maire Gilles Vaillancourt qui, en 2008, avait suspendu les travaux d’infrastructures municipales à la suite du refus des propriétaires riverains de modifier le zonage unifamiliale à la faveur du bi, tri et multifamiliale.
Quant au problème de surverses, on blâme la Ville d’avoir «fait preuve de négligence coupable» ces 12 dernières années. Les signataires de la lettre citent un rapport daté de 2011 découlant d’une étude pilotée par le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU), où «les problèmes de surverses et de dérivations étaient bien connus et identifiés». L’étude en question portait sur la vulnérabilité aux changements climatiques des éléments d’infrastructure associés à l’ouvrage de surverse Belgrand, à Laval.
Revendications
Pour ajouter à la pression et marquer le coup, les requérants prévoient poursuivre cette chaîne de courriels jusqu’au dimanche 5 février à raison de trois envois par jour, explique Daniel Guilbault, une façon de souligner le ras-le-bol général et la solidarité des 35 propriétaires à travers cette sortie publique.
Essentiellement, ils revendiquent l’achèvement des infrastructures aux frais de la Ville, et ce, dans un délai de deux ans, ce qui paverait la voie à la mise en chantier de leur lot respectif. Les projets totaliseraient 150 M$, incluant une résidence privée pour aînés de 250 logements.
Ultime tentative
À l’assemblée du conseil municipal du 10 janvier, M. Guilbault est venu exposer la situation et solliciter une rencontre avec le maire Stéphane Boyer dans l’espoir de dénouer l’impasse et ainsi éviter de déposer un recours collectif contre la Ville. Une rencontre a été fixée le mardi 14 mars prochain.
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