Ex-directeur du Service de l’ingénierie à Laval, Claude de Guise est radié pour 10 ans du tableau de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) pour le rôle qu’il a joué dans le système de partage de contrats publics sous l’administration Vaillancourt.
Cette sanction qui lui est imposée deviendra exécutoire le jour où il se réinscrira au tableau, lui qui n’y figure plus depuis le printemps 2015.
Dans sa décision rendue publique le 16 avril, le Conseil de discipline de l’OIQ fait état de gestes «très graves» commis par M. de Guise entre 2002 et 2008, lesquels lui avaient d’ailleurs valu une peine de 30 mois de prison alors qu’il plaidait coupable à des accusations de complot, fraude et corruption au palais de justice de Laval, le 11 juillet 2017.
Le pivot
Dès juin 2002, il devient le pivot d’un système frauduleux permettant de contourner le processus d’appels d’offres nouvellement imposé par Québec pour tous les contrats d’ingénierie de 100 000 $ et plus.
À l’aide d’une liste préétablie de firmes de génie-conseils complices, M. de Guise désigne la firme gagnante, l’informe de l’estimation du coût des honoraires fixée par la Ville et lui remet la liste des autres soumissionnaires afin qu’elle s’entende avec eux pour qu’ils puissent déposer des soumissions de complaisance. Le manège a duré pendant six ans, soit jusqu’à ce qu’il quitte la Ville.
«L’intimé assume les mêmes responsabilités à l’égard des entrepreneurs» en construction, peut-on lire dans la décision. Le Conseil de discipline rappelle que l’ancien haut fonctionnaire «tenait une comptabilité» des ristournes – de 2 % de la valeur du contrat – que devaient verser en retour les firmes choisies. Il communiquait ensuite les montants dus aux collecteurs de fonds du parti politique de Gilles Vaillancourt, à savoir Me Jean Gauthier, chargé de collecter les firmes d’ingénieurs, Marc Gendron et Roger Desbois, affectés à la collecte des firmes d’entrepreneurs collusionnaires.
Facteur aggravant
Les avantages personnels qu’a tiré Claude de Guise du système Vaillancourt ont été considérés comme «facteur aggravant» par le tribunal de l’Ordre.
Au-delà des bouteilles de vin, billets de hockey et spectacles au Centre Bell, «le Conseil conclut que l’intimé a demandé et a effectivement reçu […] une importante somme d’argent en sus de son indemnité de départ», ce qu’a toujours nié M. de Guise.
On réfère ici à un montant de «350 000 $» que l’ex-vp de Dessau, Rosaire Sauriol, lui aurait remis en quelque 8 versements en 2008. C’est à la demande de Gilles Vaillancourt, alors maire, que M. Sauriol dit avoir accepté d’agir comme intermédiaire entre Frank Minicucci, ex-bras droit de l’homme d’affaires Tony Accurso, et Claude de Guise. Pour ce geste, Rosaire Sauriol avait été condamné à l’automne 2017 à verser une amende de 200 000 $ pour abus de confiance.
Le conseil disciplinaire cite également le témoignage de Gaëtan Turbide, directeur général de la Ville de Laval au moment des événements. Après avoir négocié le maintien de son salaire et avantages sociaux pour une période de 18 mois suivant son départ, l’ex-directeur du Service d’ingénierie aurait demandé à son patron de réclamer auprès du maire Vaillancourt un montant de 500 000 $ comptant, payable avant son départ. À la «grande surprise» de M. Turbide, le maire aurait consenti à lui verser 350 000 $.
Facteurs atténuants
Quant aux facteurs atténuants, le Conseil souligne le fait que Claude de Guise n’a pas d’antécédents disciplinaires, qu’il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion et collaboré à l’enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) dans le dossier Honorer.
«Cette sanction de 10 ans de radiation temporaire sur chacun des [trois] chefs a le mérite d’atteindre les objectifs de dissuasion pour l’intimé et d’exemplarité pour les membres de la profession et la protection du public», terminent les auteurs de cette décision qui tient sur 22 pages, rappelant au passage que le rôle du Conseil de discipline n’est jamais de punir un professionnel en faute.
Des 11 ingénieurs sanctionnés à ce jour pour avoir trempé dans le système lavallois de partage de contrats publics, seul Serge Duplessis, ex-vp chez Dessau, est radié à vie.
Enfin, avant Claude de Guise, l’ex-directeur directeur à la Ville, Claude Asselin, avait aussi écopé d’une radiation de 10 ans.