Quand l’équipe de Christiane Hudon, biologiste d’Environnement Canada, a déniché des algues bleues sur la rive sud du lac Saint-Pierre, en 2005, un nouveau chapitre s’est ouvert, dans l’histoire récente de ces organismes microscopiques.
Il s’agissait d’un type inusité de cyanobactérie, adapté aux courants que l’on peut retrouver dans les rivières, par exemple, «parce qu’elles sont attachées au fond», explique Mme Hudon. Plus récemment, la chercheuse découvrait le même type d’algues bleues au nord du lac Saint-Louis.
Les algues bleues qui contaminent 114 lacs québécois sont quant à elles en suspension dans l’eau. Dans les cours d’eau comme les rivières, «les algues qui sont en suspension se font toujours [évacuer] en aval. Si elles restent attachées au fond, l’eau passe et elles restent».
À Laval?
Cette découverte rend la question de la présence d’algues bleues dans d’autres cours d’eau, comme la rivière des Mille Îles ou la rivière des Prairies, à Laval, plus pressante. À l’heure actuelle, aucune contamination reliée aux cyanobactéries n’a été signalée dans la grande région de Montréal.
Sans constituer une menace de contamination, les organismes similaires à ceux retrouvés dans le fleuve pourraient très bien se retrouver ailleurs. «On est toujours un peu surpris, admet d’ailleurs la biologiste. Si on en cherchait, peut-être qu’on en trouverait!»
Au ministère québécois du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), on admet ne pas effectuer de suivi du type de cyanobactéries qui tapisse le fond des cours d’eau, comme celles découvertes dans le fleuve. Il ne faut toutefois pas croire qu’il y a risque de prolifération en rivière, prévient Marc Simoneau, biologiste à la direction du suivi de l’état de l’environnement du MDDEP. «Les rivières ne sont pas des milieux propices pour le développement de l’algue bleu-vert», estime M. Simoneau. Les algues bleues observées dans les lacs Saint-Pierre et Saint-Louis l’ont été sur le rivage, soit un endroit où le courant est faible, fait-il remarquer.
Or, les chances de découvrir des cyanobactéries sont plus grandes dans un plan d’eau où l’écoulement est lent, estime M. Simoneau. Cependant, le faible débit et le bas niveau de la rivière des Mille Îles n’en font pas pour autant un cours d’eau à risque, croit Marc Simoneau. L’eau qui borde le nord de l’île Jésus est trouble, alors que les algues bleues préfèrent une eau claire, qui leur permet de faire de la photosynthèse. «C’est indépendant du courant, assure quant à elle Christiane Hudon. Ça dépend tout simplement de l’origine des eaux qui coulent dans la rivière. Mais quand on a la combinaison de beaucoup de phosphore et d’un peu de courant, ça semble générer plus facilement des cyanobactéries attachées au fond.» À ce jour, sept rivières seulement sont contaminées par des cyanobactéries. Dans tous les cas, le problème est localisé, précise le biologiste du MDDEP, et relié à une contamination à la source du bassin versant. Les algues bleues en cause sont en suspension dans l’eau, et non accrochées au fond.
Pas nécessairement toxique
Quoiqu’il en soit, impossible, pour le moment, de dire si les cyanobactéries du fleuve Saint-Laurent sont ou non toxiques. «Les probabilités sont que ce ne soit pas un problème. Mais on a décidé de ne pas prendre de chances et on a envoyé [des échantillons] dans plusieurs laboratoires.»
La découverte d’Environnement Canada a poussé l’administration municipale montréalaise à solliciter des analyses d’eau dans le voisinage de sept usines d’eau potable dans le fleuve. «Nous n’avons découvert aucune trace détectable de toxines», indique M. Simoneau.
La très vaste majorité des cyanobactéries ne produisent pas de toxines. Quelques unes causent cependant des problèmes de santé publique, comme celles qui contaminent actuellement 123 lacs et rivières au Québec.
Mme Hudon avoue que les scientifiques ont peu d’indices quant aux conditions qui favorisent la toxicité des algues bleues. «C’est un domaine à découvrir», dit-elle. (Photo intérieur: canot horizontal ou canot vertical)