L’homme d’affaires Luigi Liberatore a décidé de mettre en vente l’île Saint-Joseph.
Une pancarte a été installée en bordure du boulevard des Mille-Îles à l’angle de la rue de la Plage des Îles plus tôt cet automne.
«On vend pour essayer de minimiser les dommages qu’ils nous ont fait subir», explique le propriétaire-développeur en parlant des autorités municipales avec qui il a maille à partir depuis des années.
Médiation à l’eau
Quinze ans après avoir acquis l’île en vue de la développer, M. Liberatore jette l’éponge.
La goutte qui a fait déborder le vase: le report de la Conférence de règlement à l’amiable que devait présider un juge de la Cour supérieure du Québec au palais de justice de Laval le 25 octobre. La raison ? L’administration municipale aurait manqué à ses engagements, notamment celui de produire un rapport d’évaluation attestant de la valeur marchande de l’île provenant d’une firme indépendante. À la Ville, on s’est abstenu de tout commentaire compte tenu de la judiciarisation du dossier.
Plus tôt cette année, le propriétaire avait mis en demeure la Ville de Laval, l’enjoignant d’autoriser son projet de développement «en accord avec les règlements» ou bien d’acquérir l’île de gré à gré ou par voie d’expropriation.
«Aucune entente à l’amiable ne peut être envisageable», constate à regret celui qui a mis un terme au processus de conciliation judiciaire.
Huit lots
Fin novembre, une nouvelle demande de permis de lotissement est expédiée au Service de l’urbanisme. Elle propose de morceler l’île Saint-Joseph en huit lots distincts dont les superficies oscillent entre 50 000 et 2,5 millions de pieds carrés, conformément au plan portant le sceau d’un arpenteur-géomètre. Cette opération cadastrale demeure une condition sine qua non à la mise en marché de cette île de 35 hectares baignée par les eaux de la rivière des Mille Îles au quadrant nord-est de l’île Jésus.
Luigi Liberatore pourrait renoncer au recours en dommages contre la Ville de Laval dans la mesure où celle-ci autorise sa demande et que les parties s’entendent sur les portions de l’île vouées à la conservation, dit-il.
Saga
Achetée au coût de 2,6 M$ en 2006, l’île Saint-Joseph défraie la manchette depuis 14 ans.
Contesté par un groupe de citoyens avec à sa tête la militante Huguette Larochelle, le projet domiciliaire de 78 résidences est bloqué en 2009. Cette année-là, le maire Gilles Vaillancourt est contraint d’abroger le règlement de zonage qui, adopté en catimini huit ans plus tôt, y autorisait la construction de maisons unifamiliales. Toutes les allégations d’irrégularités formulées par le mouvement citoyen avaient été jugées fondées par le ministère des Affaires municipales.
En 2012, le propriétaire de l’île dépose un projet de parc de maisons mobiles comme l’autorise le zonage en vigueur. La même année, le projet est mis en veilleuse dans la foulée de la mise en réserve de l’archipel Saint-François. Renouvelé en 2014 pour deux années additionnelles, le décret visait à permettre au gouvernement de négocier l’acquisition des trois grandes îles, dont l’île Saint-Joseph.
Au lever du décret en 2016, M. Liberatore revient aussitôt à la charge avec son projet de 188 maisons mobiles. Pour satisfaire à la demande de la Ville, qui souhaitait un projet résidentiel de plus faible densité, dit-il, le développeur revoit de fond en comble son projet qui passe à 42 résidences unifamiliales projetées sur des terrains cinq fois plus grands. La demande de lotissement allait toutefois être refusée six mois plus tard pour non-conformité aux règlements en vigueur.
Fin 2018, retour à la case départ alors qu’il ressuscite son projet de parc de maisons mobiles au moyen de nouvelles études. Jugées insuffisantes pour attester de la conformité et faisabilité du projet, la Ville exigera d’autres études, lesquelles lui seront livrées en janvier 2020, suivies des ajustement et modifications demandés à l’automne de la même année. Luigi Liberatore, qui estime à près d’un demi-million de dollars l’argent investi en études de toutes sortes depuis 2008, apprend à la fin 2020 que la Ville met fin à son projet. S’ensuivirent l’envoi d’une mise en demeure et le dépôt d’une requête introductive d’instance devant la Cour supérieure du Québec. (Voir autre texte)