Difficile d’imaginer l’histoire des Laurentides sans le ski. Mais il est tout aussi difficile d’imaginer l’histoire du ski au pays… sans les Laurentides. Survol de leur évolution, avec l’aide de Nancy Belhumeur, conservatrice du Musée du ski des Laurentides.
Les débuts
Notre histoire commence en 1905. Cette année-là, quatre membres du Montreal Ski Club, fondé l’année précédente, skient de Sainte-Agathe à Shawbridge (aujourd’hui Prévost) : un parcours de 34 km! C’est la première randonnée de ski documentée dans la région.
À l’époque, le ski est surtout un sport pratiqué par la bourgeoisie anglophone. Il faut alors importer ses skis d’Europe, et donc par bateau! On skie surtout en ville, mais le P’tit Train du Nord et le train de la colonisation de Montfort (aujourd’hui le Corridor aérobique) donnent accès à l’immensité naturelle des Laurentides.
Tranquillement, des sentiers sont tracés et des collines sont aménagées par les skieurs. Quelques entrepreneurs ouvrent des gîtes pour héberger les randonneurs, bien que la plupart dorment encore chez des habitants. On pratique alors un mélange de ski de fond et de randonnée. On descend peu de pentes puisque, avant, il faut les monter soi-même!
En 1927, le Canadien Pacifique (CP) et le Canadien National (CN) mettent en service des trains de neige, face à la demande grandissante des touristes. Les skieurs peuvent alors prendre le train avec leurs skis, plutôt que les enregistrer avec les bagages à l’arrière.
La révolution
Le remonte-pente, c’est comme la poutine. On sait que c’est une invention québécoise, mais plusieurs se disputent l’honneur de l’avoir inventer. Entre 1928 et 1931, Moïse Paquette, un garagiste francophone de Sainte-Agathe, et Alex Foster, un anglophone de Shawbridge, inventent tous deux le remonte-pente à câble.
L’idée est simple. On prend un camion, on enlève l’un des pneus et on attache un long câble sur la roue, qui est relié à une poulie en haut de la côte. Les skieurs s’accrochent au câble et sont tirés en haut, sans effort. Ils peuvent ainsi réaliser plusieurs descentes, dans une même journée!
Le ski alpin rencontre une popularité fulgurante. Les skieurs débarquent de Montréal par milliers durant les weekends d’hiver. L’économie de la région se transforme, passant de l’exploitation forestière au tourisme et à la villégiature.
Le développement des centres de ski s’accélère, pour satisfaire la demande des skieurs qui cherchent cantine, hébergement, équipement, alors que d’autres sites de ski plus informels sont délaissés. On installe aussi des canons à neige pour allonger la saison et de l’éclairage sur les pistes pour allonger les journées.
La démocratisation
À partir des années 50 et 60, le ski devient de plus en plus accessible. Il est enfin possible de trouver des manuels de ski en français! Au lieu d’importer des moniteurs de ski d’Europe, on commence à les former ici.
La route 11 (maintenant la 117) permet de se rendre aux pentes en voiture, mais le trafic grandissant, surtout les fins de semaine, oblige le gouvernement de Duplessis à construire l’autoroute des Laurentides (la 15), première autoroute de la province! Elle atteindra d’abord Saint-Jérôme en 1959, puis rejoindra progressivement Saint-Sauveur dans les années 60, et enfin Sainte-Adèle dans les années 70.
L’aspect compétitif du ski prend aussi de l’ampleur, alors que Lucile Wheeler, de Saint-Jovite, devient la première athlète canadienne à remporter une médaille en ski aux Jeux olympiques de 1956. Elle ne sera pas la dernière.
L’archéologie
Aujourd’hui, le ski fait partie intégrante du tissu social et économique des Laurentides. Le Musée du ski des Laurentides, fondé en 1982, tente d’en préserver la mémoire avec une vaste collection d’artéfacts et de documents.
Toutefois, une part considérable de l’histoire du ski dans la région réside encore dans les souvenirs de ses habitants. Chaque nouveau don d’équipement ou de photo au musée permet de mieux documenter cette époque charnière.
Le musée a même une carte interactive des sites de ski, réalisé par Pierre Dumas, ingénieur de Sainte-Adèle aujourd’hui décédé. À l’aide de cartes, de listes, d’articles de journaux, d’entrevues et de visites in situ, son travail de moine a permis de retracer plus de 600 sites de ski, historiques et en activité, à travers le Québec.
Et pourtant Nancy Belhumeur, conservatrice du musée, raconte comment, encore récemment, une dame de la région a découvert un vieux remonte-pente dans sa cour. Peut-être que dans votre grenier, dans les albums photo de vos grands-parents ou même dans votre cour se trouvent des morceaux oubliés de notre histoire.
Un de ces soirs froids d’hiver, profitez-en peut-être pour jouer à l’archéologue!
(Texte de Simon Cordeau, Journal Accès, Initiative de journalisme local)