«C’est un secteur qui a beaucoup besoin d’amour», reconnaît Chrystiane Brodeur, chargée de projet à la Chambre de commerce et d’industrie de Laval (CCIL), au sujet du boulevard des Laurentides.
Celle-ci a réuni une trentaine de personnes le mois dernier à l’occasion d’un 5 à 7 qui marquait en quelque sorte le lancement du Regroupement de gens d’affaires de cette artère commerciale comprise entre les boulevards Cartier et de la Concorde.
L’objectif est de profiter de l’impulsion du moment pour rallier un plus grand nombre de commerçants à la cause, alors que le vaste projet de revitalisation du secteur du métro Cartier commence lentement à prendre forme. Qu’il suffise de citer l’annonce de la relocalisation à venir de la cour municipale au coût de 20 M$ et le rachat par la Ville de l’ancien bar de danseuses Pink Paradise, le mois dernier. Cela s’ajoute à la mise en chantier au printemps dernier d’un immeuble à logements de six étages à l’angle de la rue Derome.
Noyau dur
Voilà déjà trois ans que les premiers jalons de cette mobilisation ont été posés dans la foulée de la consultation publique qui avait attiré près de 250 personnes au centre communautaire St-Louis-de-Montfort, le 29 novembre 2016.
«On sentait qui se passait quelque chose, se rappelle Frédéric Bourdon, copropriétaire de Colobar Peinture & Décoration qui a pignon sur le boulevard des Laurentides depuis 60 ans. Les gens d’affaires présents ont décidé de se revoir.»
Parmi eux, Pierre Laplante de Photo Laplante, une entreprise fondée par son grand-père Albert en 1971 et qu’il a rachetée de son père en 1999.
«On s’investit pour assurer la pérennité de nos entreprises, souligne-t-il. Si on a créé ce regroupement et investi notre temps, c’est qu’on croit au boulevard, mais ça se fait tout seul. On cherche à intéresser le plus de gens possible.»
À ce quatuor fondateur que complètent Magnus Poirier et Rangement Idées-Range se sont greffé une douzaine d’autres gens d’affaires et plusieurs organismes communautaires du secteur.
Selon un recensement effectué en 2019, le tronçon de 1,6 kilomètre du boulevard des Laurentides au sud de la Concorde compte 121 commerces dont une vingtaine sont placardés (autour de 17 % de vacance), note le conseiller municipal du secteur, vice-président du comité exécutif et élu responsable des dossiers économiques, Stéphane Boyer.
Proactivité
Depuis, ces entrepreneurs intéressés se rencontrent à raison d’une dizaine de fois par année pour cogiter ce projet de transformation qui les emballe, désireux de prêcher par l’exemple et d’être partie prenante des décisions.
«On a compris que le court terme pour la Ville, c’est 5 à 10 ans, constate M. Bourdon lors de notre entretien. Au début, ça nous déstabilisait un peu. Mais, on ne veut pas attendre après la Ville. On peut l’embellir le boulevard.»
Cela étant, il se dit «impressionné par l’écoute» des autorités municipales, soulignant le soutien du Service de développement économique et du Bureau des grands projets, dont «l’architecte-consultant assiste régulièrement à nos réunions». C’est d’ailleurs ce qui les motive à garder le cap.
Mentorat
De concert avec l’aile Prox-commerce de la CCIL, spécialement dédiée aux acteurs du commerce de détail, le groupe des 4 a soumis au Laboratoire d’innovation sociale de Laval, cet automne, un projet visant à redynamiser l’artère commerciale qui fut retenu.
«C’est du mentorat», précise Pierre Laplante qui se réjouit de ce programme d’accompagnement permettant d’accélérer le passage de l’idée à l’action de ce projet inspiré des milieux de vie à échelle humaine.
«L’embellissement et une stratégie promotionnelle et marketing sont deux aspects à privilégier pour redorer l’image de l’artère et inciter les consommateurs à y venir. L’objectif est de développer une image de marque pour le quartier», poursuit-il en évoquant, par exemple, des aménagements visuels thématiques pour créer différentes ambiances au gré des saisons.
Pour doter le secteur d’une nouvelle identité, M. Bourdon suggère également de tabler et mettre en valeur «la belle et riche histoire» de l’un des plus anciens noyaux d’urbanisation lavallois qu’est le quartier Pont-Viau. «Il y a des firmes qui étudient l’adn d’un quartier pour en définir une image de marque.»
Enjeux
Dans un document déposé au conseil municipal l’an dernier, Pierre Laplante et ses acolytes identifiaient leurs attentes en lien avec les principaux enjeux de circulation, stationnement, sécurité des usagers, mobilier urbain, verdissement, affichage commercial et diversité de l’offre de commerces de proximité.
«C’est certain qu’on n’a pas toutes les réponses, mais on aimerait éliminer le stationnement sur le boulevard», s’entendent pour dire MM. Laplante et Bourdon tout en suggérant de transformer quelques terrains de garages désaffectés en stationnement municipal pour accueillir les clients.
Emprise publique
L’incontournable aménagement du boulevard et de ses trottoirs que l’on souhaite mieux adaptés pour les piétons et cyclistes n’est pas simple, conviennent-ils, conscients du peu d’emprise publique en façade des commerces.
«Je me souviens que d’une façon unanime, les membres du comité avaient dit « s’il faut sacrifier [notre] terrain en bordure de rue »…», glisse au passage le copropriétaire de Colobar en guise de résignation pour le bien commun.
Pour illustrer la nécessité d’agir, il rappelle la fois où «une urbaniste de la Ville a manqué de se faire frapper derrière la tête par le miroir d’un autobus de la STL» lors d’une marche exploratoire au printemps dernier «pour vivre la réalité des résidents et usagers » du quartier.
«Est-ce qu’on est capable d’exproprier une petite lisière de terrain en bordure du boulevard?» se questionne pour sa part le conseiller municipal Stéphane Boyer, précisant que la Ville est en discussion avec le ministère des Transports pour revoir le gabarit du boulevard et l’élargissement des trottoirs de cette importante voie de transit pour entrer et sortir de Montréal.
À suivre
La semaine prochaine, le Courrier Laval publiera un texte tiré de cette longue entrevue accordée par M. Boyer un peu avant les Fêtes, où il fait le point sur la revitalisation du secteur du métro Cartier. «Ce projet me tient extrêmement à cœur, confiait-il. C’est une des raisons pourquoi je me suis présenté en 2013.»