Ce mouvement citoyen a répliqué au récent dépôt du premier projet de schéma d’aménagement et de développement révisé de la Ville par un mémoire d’une trentaine de pages, vantant la valeur, les vertus et les bienfaits des boisés en milieu urbain.
L’objectif: faire reculer l’administration municipale quant à son projet de raccorder l’avenue Ampère et le boulevard Laval par-delà la voie du Canadien Pacifique.
À contre-courant
«C’est un projet sorti tout droit d’une autre époque», a dénoncé le président fondateur des Amis du Boisé, le 10 juin, lors du dévoilement du mémoire, dont il est le coauteur, Daniel Desroches.
Il juge à contre-courant l’idée de sacrifier un milieu naturel de 10 hectares, le dernier boisé du secteur par surcroît, pour désengorger le boulevard de la Concorde, qui passe au sud.
«Seules les mesures de voie réservée au transport en commun sont porteuses d’avenir», a-t-il fait valoir, en évoquant la mesure préférentielle pour bus (MPB) qu’on aménagera cet été sur le tronçon de la Concorde.
M. Desroches a aussi souligné que le raccordement du boulevard du Souvenir avait été projeté à une époque où l’on ignorait tout des changements climatiques et des îlots de chaleur urbains.
Au passage, il n’a pas manqué de rappeler les études, selon lesquelles une augmentation de la capacité routière a pour effet d’ajouter à la congestion plutôt que la réduire. «La voiture a horreur du vide.»
Connectivité
Porte-parole de la Fondation Suzuki, Karel Mayrand a insisté sur la valeur significative du Boisé du Souvenir dans la trame verte et bleue du Grand Montréal en termes de connectivité écologique.
«Quand on passe une route dans un milieu naturel, on fragment le milieu, ce qui entraîne nécessairement une perte de la biodiversité», a-t-il indiqué, tout en mentionnant que la moitié des espèces menacées au Québec se trouvent dans la grande région métropolitaine.
Directeur général du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval, Guy Garand est également d’avis qu’il «faut tout faire pour protéger cet espace vert», situé à quelques centaines de mètres d’un centre-ville hautement densifié.
«Il est grandement temps que la Ville s’équipe de parcs nature sur son territoire», a lancé celui qui en appelle à la santé publique.
Selon M. Garand, les aires de stationnement vouées aux industries, commerces et institutions (ICI) à Laval couvrent une superficie équivalant à 1640 terrains de football contre à peine 300 pour les boisés avec affectation de conservation.
Revendications
Appuyés par une dizaine d’organismes environnementaux, les Amis du Boisé du Souvenir réclament un statut de «boisé d’intérêt municipal» et l’intégration de cet espace vert au programme de conservation de même qu’à la planification de l’aire TOD (Transit-Oriented Development) du secteur de la Concorde.
À cet égard, on suggère la réalisation d’une passerelle vélo-pédestre pour relier les pistes cyclables séparées par la voie ferrée, ce qui en ferait le carrefour du transport actif à Laval, le Boisé du Souvenir se trouvant au coeur d’un corridor vert d’une vingtaine d’hectares.
«C’est pourquoi nous exigeons, avant l’adoption en 2017 du schéma révisé, une consultation spécifique sur le statut de ce boisé où seront discutées les alternatives à sa destruction», a terminé Daniel Desroches en rêvant d’un «Central Park lavallois».
Réaction
Porte-parole du cabinet du maire, François Brochu souligne d’entrée de jeu que le prolongement du boulevard du Souvenir n’est projeté que dans un horizon de 5 à 10 ans, pas avant.
Puis, il rappelle que le schéma d’aménagement qui circule présentement est à l’étape de projet. «Nous sommes en ce moment dans une ronde de consultation qui mènera à un deuxième projet. Les citoyens ont toute la latitude, l’ouverture et les tribunes requises pour faire valoir leur point de vue […] qui sera certainement pris en considération.»
Incidemment, la démarche consultative dans le cadre de la révision du schéma, qui n’avait pas été revisité depuis plus de 25 ans, prévoit de retourner devant la population à l’hiver 2017 avec un second projet avant son adoption finale.
D’ici là, la pétition continuera à circuler, ont affirmé les Amis du Boisé, qui entendent maintenir la pression sur l’administration Demers.
«Si on en vient là, le jour où les bulldozers vont arriver, je vais être dans les barricades avec vous», a terminé Karel Mayrand sous les applaudissements nourris des membres de ce mouvement citoyen.