«Lors de nos tests, nous avons mis de l’essence dans un véhicule pour quatre des six secteurs visités, et ce, sans aucune restriction. À aucun moment nous n’avons eu à nous identifier et l’accès aux pompes des réservoirs d’essence n’était pas bloqué», a expliqué Mme Galipeau lors du dévoilement de son rapport annuel, le 2 septembre.
4 M$ en carburant
Même qu’elle précise avoir tenté d’éveiller les soupçons auprès du personnel en devoir en utilisant des véhicules qu’on ne pouvait identifier aux couleurs de la Ville.
«On voulait volontairement se faire prendre. C’était le but. On espérait au moins qu’on nous demande de nous identifier.»
Faute d’outils et de mécanismes de contrôle, il a toutefois été impossible pour le Bureau du vérificateur général d’évaluer la valeur de la perte en carburant.
En 2014, la dépense en carburant s’est élevée à environ 4 M$, excluant l’approvisionnement de la flotte de véhicules des Services de police et d’incendie.
De ce montant, l’essence représente un peu moins d’un million de dollars, alors que le diesel demeure le carburant le plus utilisé.
Par ailleurs, la Ville n’a pas l’assurance que les quantités de carburant livrées à ses sites d’approvisionnement et payées via les factures correspondent à ce qui a été reçu.
Plus de 30 ans d’incurie
Cette situation ne date pas d’hier.
En fait, dès 1984, le vérificateur interne de la Ville avait soulevé un problème lié à la sécurité du carburant et au contrôle de son utilisation. D’autres recommandations en ce sens avaient été présentées à l’administration municipale en 2000, puis 2002 par le Bureau du vérificateur général, sans que rien ne change.
Expliquant cette situation par la culture qui a longtemps régné à Laval, le directeur général de la Ville, Serge Lamontagne, assure que des mesures se déploient actuellement «afin d’instaurer une gestion des carburants de même qu’un suivi des inventaires».
Reste que les mesures transitoires qui avaient été récemment mises en place pour contrôler l’accès aux pompes des réservoirs de la Ville ont lamentablement échoué.
Incidemment, l’enquête du Bureau de la vérificatrice générale a été effectuée de février à juin 2015. Elle a révélé que les systèmes et mécanismes en place sont non seulement inefficients, mais ne permettent pas à la Ville de s’assurer que le carburant qui sort de ses réservoirs ne sert qu’à faire rouler ses propres véhicules.
L’enquête a également démontré que plus de 80 % des réservoirs n’étaient pas cadenassés. «L’accès à un réservoir non sécurisé rend possible un vol du contenu partiel ou entier du réservoir», peut-on lire en page 59 d’un volumineux rapport qui contient quelque 275 pages.
Sous enquête
En point de presse, le maire Marc Demers a soutenu qu’il avait personnellement avisé, l’automne dernier, la vérificatrice générale des ratés entourant la gestion des carburants, après que des employés municipaux se soient confiés à lui.
Dans la même période, le Bureau de l’intégrité et de l’éthique (BIEL) était saisi de l’affaire. Aucune mesure disciplinaire ni sanction n’a été prononcée à ce jour. Le BIEL doit déposer son rapport d’enquête d’ici les prochaines semaines.
Aux grands maux…
Enfin, la Direction générale a affirmé que l’accès aux carburants a depuis été resserré par l’adoption d’une série d’actions implantées de façon progressive.
«Tous les bouchons des réservoirs sont désormais cadenassés, et au cours des prochains mois, la Ville définira les tâches et responsabilités des gestionnaires concernés afin d’avoir une structure de responsabilisation et d’imputabilité. De plus, à court terme, le ravitaillement en essence ne se fera plus à la Ville. À l’instar des services de police et de sécurité incendie, qui ne s’approvisionnent pas aux pompes des réservoirs de la Ville, les autres services municipaux adhéreront au service de cartes d’achat CorpRate. Des équipements de gestion des carburants et des caméras de surveillance seront également installés.»