À la veille du conseil municipal où devrait normalement se jouer l’avenir du bois du Trait-Carré, les élus ont tous reçu dans leur boîte de courriel, lundi matin, un rapport sommaire d’expertise plaidant en faveur de la conservation intégrale de ce dernier îlot de fraîcheur du centre-ville.
Coproduit par le Conseil régional de l’environnement de Laval (CRE) et les Amis du Boisé du Souvenir, ce document résume les conclusions et recommandations extraites d’une étude de 92 pages dont les auteurs sont à finaliser l’infographie.
Quatre jours plus tôt, ces mêmes élus étaient convoqués par la direction générale de la municipalité pour une présentation étayant l’entente de principe conclue avec le Groupe immobilier FTQ à l’effet de lui céder 55 % du bois du Trait-Carré pour y construire des tours d’habitation.
On se rappellera qu’à la dernière séance du conseil, il avait été convenu de reporter le vote à la séance du 7 août, considérant l’émotivité entourant ce dossier hautement médiatisé.
Maillon essentiel
«Ce milieu naturel demeure très important pour le maintien de la biodiversité étant donné la diversité d’habitats qu’on y retrouve ainsi que par son potentiel de connectivité avec d’autres milieux naturels situés à proximité du centre-ville», soutient Magali Noiseux-Laurin, biologiste à l’emploi du CRE de Laval et membre de l’équipe de rédaction qui a accouché de l’étude.
En appui, une première caractérisation de ce boisé de 12 hectares a permis d’identifier 65 espèces botaniques et 25 espèces d’oiseaux.
Une information faisant contrepoids à celle diffusée par la Ville qui présente le bois du Trait-Carré comme étant «de faible valeur écologique» et miné par «des frênes contaminés par l’agrile et une forte quantité de nerpruns cathartiques, une espèce exotique envahissante».
Coordonnateur du rapport d’expertise, le chercheur en éthique de l’environnement et cofondateur des Amis du Boisé du Souvenir, Daniel Desroches, qualifie de «maillon essentiel à l’équilibre écologique du centre-ville» le bois du Trait-Carré qu’un corridor vert pourrait relier aux boisés du Souvenir et Armand-Frappier.
Déclin de la canopée
En cette ère de grands bouleversements climatiques, le déclin de la canopée milite en faveur de la sauvegarde intégrale de ce bois au cœur d’un secteur largement minéralisé, fait-valoir le rapport. Celui-ci démontre d’ailleurs que la population environnante est plus vulnérable aux effets des îlots de chaleur, souligne M. Desroches.
À cet égard, on chiffre à 10 % l’indice de canopée dans le secteur le plus chaud de Laval, ce qui fait dire aux auteurs que «le Trait-Carré présente un potentiel élevé de mise en valeur qui permettrait d’accroître l’attractivité du centre-ville».
Toujours selon l’étude, l’indice lavallois global perdrait dans un avenir rapproché quelques points de pourcentage pour glisser sous le seuil des 20 %, alors que la cible à atteindre en termes de couvert végétal pour l’ensemble de la Communauté métropolitaine de Montréal est fixée à 30 %.
1 %
Daniel Desroches cite un des partenaires de l’étude: «La Fondation David Suzuki recommande aux Villes de mettre de côté 1 % des investissements immobiliers pour protéger les milieux naturels.»
Du même souffle, l’environnementaliste ajoute qu’à terme, les investissements de 1,6 G$ réalisés dans le développement du quadrilatère Montmorency-Concorde permettrait de dégager 16 M$ pour sauvegarder le bois du Trait-Carré.
Faut-il rappeler que la Ville veut vendre au coût de 17,5 M$ un peu plus de la moitié des 12 hectares de ce boisé au Fonds immobilier FTQ?
Parlant de fric, le maire Marc Demers martèle qu’il lui faudrait investir quelque 110 M$ pour acquérir tous les milieux naturels d’intérêt sur le territoire, mais que le budget annuel alloué à cette fin n’est que de 5 M$.
«Il faut donc faire des choix et prioriser les acquisitions», répond-il aux signataires de la pétition mise en ligne le 1er août par le député Saul Polo réclamant la protection intégrale du bois du Trait-Carré.
En fin d’après-midi, ce lundi 6 août, le bureau de comté du député de Laval-des-Rapides recensait près de 2100 lettres d’appui enregistrées au www.boistraitcarre.com, chacune d’elles étant aussitôt acheminée par courriel au cabinet du maire.