Mis à jour le 17 septembre 2025 à 15h56
Trente regroupements, organismes et chercheurs.ses, incluant la Table de concertation de Laval en condition féminine (TCLCF), interpellent la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) afin qu’elle révise sa méthodologie d’évaluation des cibles d’embauche dans le cadre des Programmes d’accès en égalité à l’emploi (PAÉE) qu’elle supervise.
Depuis le changement méthodologique qu’elle a adopté en 2020, les cibles d’embauche pour les femmes ont chuté, ce qui a des conséquences directes sur l’accès des femmes à des emplois de qualité.
Au Québec, la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi vise à corriger les inégalités vécues dans le domaine du travail par cinq groupes victimes de discriminations systémiques: les femmes, les Autochtones, les minorités visibles, les minorités ethniques et les personnes handicapées.
Cette loi oblige les organismes publics qui emploient 100 personnes ou plus (comme des municipalités, des sociétés de transport en commun, des collèges, des universités, etc.) à adopter un Programmes d’accès en égalité à l’emploi (PAÉE) afin de corriger la situation de ces cinq groupes. La CDPDJ a le mandat de veiller à la conformité des PAÉE.
Changement de méthodologie
Dans le cadre des PAÉE, la CDPDJ fixe des cibles d’embauche de femmes à atteindre (en fonction de leurs taux de disponibilité par regroupement d’emploi) pour corriger leur sous-représentation dans certains types d’emplois.
Avant 2020, la CDPDJ se basait sur des catégories d’emplois détaillées pour fixer des indicateurs cibles. Depuis son changement méthodologique en 2020, elle regroupe les emplois dans 14 catégories professionnelles d’équité en matière d’emploi.
Le problème est que cette recatégorisation aboutit à des moyennes par grappes d’emplois, où se côtoient des emplois où les femmes sont sous-représentées (cols bleus, pompières, professeures, cadres supérieurs…) avec des emplois traditionnellement féminins ou des emplois où la mixité est bien établie.
Par exemple, les pompières sont dans le même regroupement que les technicien.ne.s juridiques et les technicien.ne.s en bibliothèque à la Ville de Montréal; et les professeurs.res sont regroupés avec les assistant.e.s d’enseignement dans les universités.
«L’égalité en emploi ne peut pas dépendre du bon vouloir des employeurs, explique Katia Atif, directrice générale d’Action travail des femmes, par voie de communiqué. Elle doit être soutenue par des outils rigoureux et transparents, comme les PAÉE. C’est pour cette raison que nous lançons un appel urgent à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. La Commission est une instance unique et incontournable pour veiller à l’application de la Loi sur l’accès en égalité en emploi et combattre les inégalités. Nous sommes persuadées que les effets de son changement méthodologique étaient imprévus et qu’elle va donc le réviser.»
Conséquences
Bien qu’involontaires, les conséquences de cette nouvelle méthodologie sont lourdes de conséquences pour les femmes à l’échelle du Québec. La sous-représentation des femmes dans certains emplois est devenue invisible et les cibles d’embauche quasiment nulles.
Résultat: les organismes publics soumis à la Loi n’ont plus d’objectifs suffisants d’embauches de femmes dans les types d’emplois où elles sont en nombre insuffisant. C’est le cas des femmes cols bleus et des pompières à la Ville de Montréal, des professeures dans les universités ou encore des femmes cadres supérieurs dans les services de santé et services sociaux.
«Notre récente recherche Cols bleus, 10 ans plus tard : des progrès décevants, révèle que la proportion de femmes parmi les cols bleus de la Ville de Montréal est passée de 20% à 14,5% de 2006 à 2023, déclare Nelly Dennene, présidente du Conseil des Montréalaises, dans la même communication aux médias. Malheureusement, les dernières cibles d’embauche pour les travailleuses cols bleus identifiées par la CDPDJ sont quasiment nulles. Les membres du Conseil des Montréalaises encouragent vivement la CDPDJ à réviser sa méthodologie afin de visibiliser la sous-représentation des femmes dans les emplois de cols bleus à la Ville de Montréal et de favoriser l’embauche de plus de femmes dans ces emplois de qualité.»
Ainsi, la Loi pour l’accès à l’égalité en emploi remplit moins son rôle de contrer la division sexuée du travail et les plafonds de verre dans les institutions publiques.
Les signataires de ce communiqué demandent à la CDPDJ de corriger sa méthodologie de calcul des cibles d’embauche afin de mettre en évidence les sous-représentations des femmes et de restaurer des cibles claires et ambitieuses pour les femmes. (C.P./IJL)



