Une nouvelle étude pointe du doigt la discrimination des employeurs, les conditions de travail dangereuses et les lacunes des politiques publiques dans l’augmentation des risques d’exploitation des travailleurs et travailleuses migrant.e.s qui arrivent au Canada.
Le FCJ Refugee Centre et le Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes ont publié un nouveau rapport intitulé Ça Se Passe Ici: L’exploitation des travailleuses et travailleurs migrants pendant la pandémie de Covid qui révèle que le statut précaire des travailleurs migrants les rend vulnérables à l’exploitation par les recruteurs et employeurs.
Rapport
Le rapport résume les conclusions d’une série de discussions de groupe qui ont réuni 77 travailleurs migrants en Ontario au début de 2022, avec la contribution de Legal Assistance of Windsor.
Il mentionne que de nombreux travailleurs migrants ne savent pas qu’ils ont des droits lorsqu’ils travaillent au Canada.
Certains participants ont raconté avoir été exploités dans leur pays d’origine et avoir considéré le Canada comme un endroit où ils pouvaient fuir cette forme d’abus.
Ils ont donc été nombreux à s’étonner de voir que le problème est bien réel ici aussi.
«Je suis encore sous le choc parce qu’au Mexique, j’ai entendu parler de la traite des personnes, mais je n’ai jamais pensé que je me retrouverais dans cette situation [au Canada], a expliqué l’une des personnes ayant participé au groupe de discussion. Je me demandais bien comment on pouvait se retrouver dans des situations pareilles. Puis, ça m’est arrivé, et j’ai compris que n’importe qui pouvait en être victime.»
Le rapport amène également les conclusions suivantes:
- les travailleurs migrants, en particulier ceux et celles qui travaillent dans le secteur de l’agriculture ou font un travail peu rémunéré, se heurtent à des politiques qui rendent difficiles l’obtention du statut de résident permanent et la réinstallation de leur famille au Canada;
- les travailleur migrants déplorent principalement le fait d’être séparés de leur famille, suivi des rémunérations peu élevées et de la discrimination des employeurs;
- la sécurité des travailleur migrants était mise en péril en raison de l’accès limité aux soins de santé et aux tests de dépistage de la COVID-19 ainsi que de leur incapacité à maintenir une distanciation sociale.
Recommandations
Le rapport recommande aux gouvernements fédéral et provinciaux de mettre en place des remparts supplémentaires pour protéger les travailleurs migrants contre l’exploitation.
Il appelle plus précisément les gouvernements à :
- établir des permis de travail ouverts pour tous les travailleurs migrants;
- veiller à ce que les travailleurs migrants puissent s’informer de leurs droits avant, pendant et après leur arrivée au Canada;
- augmenter le financement des services sociaux sur place pour les migrants, notamment la formation linguistique, l’aide juridique, les soins de santé et l’information sur les droits du travail;
- accélérer la mise en place de la nouvelle politique de réunification familiale du gouvernement fédéral pour les travailleurs à faible salaire et agricoles et appliquer cette politique aux familles avec des enfants en bas âge.
«Les travailleurs migrants sont essentiels à l’économie canadienne et méritent justice, équité et attention de la part de tous les ordres de gouvernement et des employeurs, affirme Julia Drydyk, directrice générale du Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, par voie de communiqué. Beaucoup d’entre eux sacrifient leur temps en famille pour travailler au Canada. La protection de ces personnes contre l’exploitation ici au pays devrait être une priorité absolue pour nous tous.»
Familles
En 2022, le gouvernement du Canada a annoncé un changement de cap nécessaire: les conjoints et les enfants en âge de travailler des travailleurs migrants pourront s’installer au Canada.
Selon le FCJ Refugee Centre et le Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, bien que la nouvelle politique réponde à certaines craintes, il faut d’autres mesures pour réduire l’exploitation des travailleurs migrants.
« Les travailleurs migrants contribuent à combler les graves pénuries de main-d’œuvre qui sévissent au Canada, expose Loly Rico, directrice générale du FCJ Refugee Centre, dans la même communication aux médias. La demande croissante de nouveaux travailleurs migrants fait augmenter les craintes pour leur sécurité et leur bien-être. Malheureusement, les politiques existantes ne protègent pas les travailleurs migrants admis qui sont déjà dans une situation précaire et elles exposent les nouveaux travailleurs à un risque plus élevé de travail forcé, de discrimination et de conditions de travail dangereuses. Le constat est troublant; les choses doivent changer avant que nous n’accueillions de nouveaux travailleurs migrants.» (C.P./IJL)