«Vous n’avez rien volé», a lancé le juge Jean-Marc Généreux s’adressant à la troupe Switch des Loisirs St-Bruno qui a conquis le jury à la troisième soirée d’audition de l’émission Révolution avec un numéro contemporain alliant plusieurs styles.
Dès la dernière note de la chanson Artemis, de Polo & Pan, les juges ont propulsé la troupe à la deuxième étape de la compétition «le face-à-face».
Révolution est le plus gros concours de danse au Québec. Il se démarque par son concept appelé le moment «Révolution». Ce mouvement prédéterminé est pris en photo 360 degrés, créant un moment suspendu dans le temps.
Pour passer l’audition, la troupe devait recevoir l’aval des trois juges. Sans même prendre le temps de regarder la «Révolution», souvent déterminante dans la performance, tous les juges ont avancé leur levier, envoyant les six filles de la troupe dans la compétition sous un lot de larmes, d’excitation et de chapeaux rouges.
D’un style à l’autre
Switch est une troupe fondée en 2018 par le chorégraphe Médric Filion. Ses membres; Emma Keough, Alexia Brodeur, Emma Sansalonne, Catherine Agnelli, Alissia D’Eramo, et Arianna Di Matteo dansent depuis qu’elles sont enfants. «Pour la majorité, je suis leur professeur depuis qu’elles sont toutes petites», note-t-il.
La troupe se décrit comme expérimentale mélangeant plusieurs styles de danse. «Switch ça veut dire qu’on change d’univers, qu’on passe d’une idée à une autre», explique Alissia.
Âgées entre 18 et 24 ans, les filles raffolent de la danse qui, pour plusieurs d’entre elles, est à la fois leur passe-temps, sport et travail. «La danse, c’est ma vie», affirme Emma K.
«J’ai toujours été une personne assez introvertie, assez gênée, donc la danse c’est vraiment une deuxième maison pour moi, raconte Emma S. Ça me permet de m’exprimer, de ressortir des émotions sur scène que je ne ferais pas naturellement dans la vraie vie.»
Dans le monde de la compétition depuis longtemps, le groupe voulait se lancer dans une nouvelle aventure. «On en a fait tellement des compétitions dans nos vies que je pense qu’on était rendu là, à vouloir essayer des nouvelles choses […] Y’a pas un danseur au Québec qui n’aimerait pas aller à Révolution», mentionne Médric Filion, aussi un timide de nature.
Toutes originaires de Laval, les danseuses s’entraînent une fois par semaine, dans les locaux de l’école de danse du quartier Vimont. Être choisies à Révolution, ça dépassait leurs attentes. Elles avaient été refusées plusieurs fois avant.
«C’est très gratifiant de voir qu’on peut avoir ce résultat en ayant moins d’expérience et d’heures d’entraînement par semaine», révèle Catherine.
«C’est là qu’on voit que le travail est récompensé», a dit Jean-Marc Généreux devant la troupe émue. « C’était le plus beau moment de ma vie, on n’en revenait pas, raconte Alexia, je pense qu’on ne s’attendait pas à ça».
Des idées plein la tête
«C’est pas difficile pour moi de chorégraphier, j’ai tellement d’idées», avoue Médric Filion. Les créations de la troupe sont basées sur son imaginaire. Médric construit des routines inspirées de son vécu.
Celle présentée à l’audition, nommée persona, s’inspirait de la recherche de personnalité, des carapaces qu’on se fait, les identités qu’on emprunte. «Mon homosexualité a été un élément vraiment important dans cette quête de personnalité parce que tu te fais dire toute ton enfance que ce n’est pas correct d’être homosexuel, tu te fais naiser, intimider», confie Médric Filion qui s’est longtemps cherché.
Si la création part d’abord du chorégraphe, elle se nourrit aussi des danseuses. «[Médric] a une idée initiale, mais pour se rendre au but, il a besoin de nous», précise Catherine Agnelli.
«C’est notre force. On est capable de raconter une histoire, de switcher de concept, de monde», ajoute Médric.
Le travail pour Révolution a été un peu différent de celui en préparation d’une compétition. Le temps était réduit et la barre relevée. «La différence entre une émission de télé et une compétition, c’est qu’il y a tout le Québec qui te regarde», ajoute Alissia.
Médric a déjà participé à des émissions avant comme En direct de l’univers. Contrairement à ce contexte dans lequel il est là pour divertir, à Révolution, on est tous des danseurs, et devant trois maitres exceptionnels, on y va pour se faire juger».
Les Loisirs causent la surprise
Arrivées dans la salle des danseurs, les filles ont tout de suite été impressionnées. «On se sentait comme des petits enfants qui découvraient Walt Disney [World]», raconte Alissia D’Eramo.
Si elles ont eu de la difficulté à y croire, l’effort derrière n’en a pas été moins énorme. «On ne pensait pas que ça allait demander autant de travail», indique Alissia. Elle pense surtout au moment «Révolution» qui a exigé plusieurs recommencements avant d’arriver au résultat final.
Faire concorder les horaires de chacune a aussi été un défi alors que certaines sont aux études et d’autres employées à temps plein.
«Notre but, c’était juste de mettre les pieds sur la scène, lance Alissia, peu importe ce qui nous arrive, on va être fière».