On les appelle les «rescues» ou «secouristes». Eux se considèrent comme des «activistes» pour la défense des animaux. Difficile de connaître le nombre de particuliers qui recueillent 10, 20, voire 30 chats dans leur résidence afin de les aider à se trouver une deuxième famille. Alors que le contrat du Berger Blanc arrivait à échéance début janvier et que le problème des chats errants demeure un enjeu important sur le territoire, leur action semble loin de s’essouffler.
À Saint-Vincent-de-Paul, dans son 5 ½, Marie-Josée, 49 ans, vit avec son fils et 16 chats, dont la plupart se baladent en liberté dans l’appartement. En entrant, deux sont confortablement installés sur le buffet, un trône sur le micro-ondes, un autre sur la télévision et un occupe le comptoir de la cuisine. «Ça fait 11 ans que je vis ici et j’ai sauvé 33 chats de la rue», dit fièrement la Lavalloise.
«Rescue»: tout un mandat
Peanut, Noisette, Garfield, Gumby, Blacky, Brownies, Taz, elle a une caresse pour chacun de ses colocataires félins dont elle dit s’occuper à temps plein.
«Je fais du « rescue » à temps plein depuis 2002, car j’ai dû arrêter de travailler à cause de la maladie», explique-t-elle.
Un investissement en temps et en argent pour celle qui vit sur l’assistance-emploi. «Chaque chat qui entre ici me coûte 125 $ de frais de vétérinaire et en moyenne c’est 150 $ par mois pour les nourrir et pour la litière», estime Marie-Josée. Malgré une cohabitation peu habituelle, aucune forte odeur ne se dégage de l’appartement. «Je lave les planchers à l’eau de Javel, deux fois par jour. Je fais la litière trois fois par jour», assure-t-elle.
C’est cet «amour inconditionnel», qui dure depuis 40 ans, qui pousse Marie-Josée à aller au-delà des allergies. «Je prends des médicaments pour mes allergies, mais mon plaisir, c’est le quotidien avec les chats.» Des chats qu’elle recueille, soigne, stérilise et nourrit pendant des mois avant de leur trouver une famille d’accueil.
Le refuge ne désemplit pas
À plus de 70 ans, Janine Larose poursuit deux objectifs: garder en vie le refuge Opération Félix et mettre en place une clinique de stérilisation à prix modique pour mettre fin à la surpopulation féline.
«L’indifférence des élus, des vétérinaires, des propriétaires et la cruauté de l’humain prennent trop de place. Il faut que quelqu’un défende les chats», lance-t-elle en début d’entrevue. Une mission incarnée dans le projet Opération Félix, qui a accueilli une centaine de chats et fait adopter une trentaine de bêtes depuis son ouverture au printemps dernier . «Le cercle commence à s’agrandir, on a une vétérinaire super dévouée, qui nous fait des bons prix et une quinzaine de bénévoles.»
Dans son nouveau local, un 4 ½ situé dans le parc industriel, une trentaine de chats occupent les lieux. Chatons, chats adultes, mâles et femelles, elle les accepte tous. Dans deux des pièces, des dizaines de chats sont en liberté, alors que les deux autres servent aux chats enfermés. «Ceux isolés sont des nouveaux arrivants, sur le départ ou non stérilisés.» Une forte odeur d’urine se dégage de l’appartement, en ce vendredi midi. «Cette odeur est normale, car les chats sont seuls depuis 20 heures, hier soir», dit-elle en ouvrant les fenêtres.
Limites d’action
Consciente d’agir dans l’illégalité, Marie-Josée reconnaît se cacher de son propriétaire.
«Il sait que j’ai des chats, mais pas combien, dit-elle avec le sourire. Quand il vient, je les enferme dans une pièce.»
Pour sa part, Mme Larose a dû déménager depuis fin décembre. «Une des conditions était que je ne voulais pas d’odeur et à partir de cet été, ça commençait à sentir au-dessus dans les étages», rapporte Sandie Wand, la propriétaire des anciens locaux occupés par Opération Félix et gérante de l’Auberge Zen pour animaux. Moi, je travaille depuis 12 ans dans le domaine, et avec la ventilation, la propreté et les matériaux utilisés, je n’ai pas d’odeur», assure celle qui se dit préoccupée par les conditions de vie des animaux. «Le problème avec ces refuges, c’est qu’ils sont tellement contre l’euthanasie, qu’ils les ramassent tous et n’ont pas d’argent pour s’en occuper. Les animaux ont des champignons, des problèmes respiratoires, ils ne sont pas mieux».
Légal ?
Mais la vraie menace pourrait venir du projet de loi 51, modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux, déposé à l’Assemblée Nationale, le 9 décembre dernier, puisqu’un permis pourrait être exigé pour les propriétaires de 20 chats ou plus.
«Avec cette loi, le gouvernement se donnerait le pouvoir de sanctionner si le bien-être des animaux n’est pas respecté», explique Geneviève Rousseau, de la direction du développement et de la réglementation au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, qui spécifie que le projet de loi 51 devra d’abord passer à la commission règlementaire avant d’être accepté et sanctionné. «Par la suite, il faudra faire des règlements pour créer les catégories du permis.»
Même si la loi n’est qu’à l’état de projet, Janine Larose ne cache pas son inquiétude. «Si un jour les inspecteurs d’ANIMA-Québec peuvent aller dans les résidences privées, j’ai peur de devoir fermer. Car ils vont nous mettre des exigences épouvantables, pas juste concernant la propreté et la santé des animaux, mais ce sera du harcèlement», redoute-t-elle, tout en faisant comprendre que la communauté pour la défense des animaux pourra compter sur elle pour défendre son territoire.
On peut contacter Opération Félix par courriel à l’adresse rapt_lfpn@hotmail.com ou laisser un message au 514 837-9972.