Six élus dont les cinq dissidents du parti du maire Marc Demers demandent à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, de bloquer une résolution du conseil qui concentrerait encore plus de pouvoir entre les mains du comité exécutif [CE], dénoncent-ils.
«…nous vous demandons de prendre position contre toute modification de la charte de la Ville de Laval qui attribuerait davantage de pouvoir au comité exécutif, ce qui [a] déjà causé des torts importants aux Lavallois par le passé», peut-on lire dans une lettre rendue publique hier soir.
Sous l’impulsion de David De Cotis, ex-vice-président du CE et aujourd’hui conseiller dissident du Mouvement lavallois (ML), cette initiative est l’ultime tentative de faire échec à une résolution entérinée aux deux tiers des voix, le 5 février, à l’effet de permettre au CE d’«adopter un règlement intérieur relativement à ses séances et à la conduite de ses affaires».
Adressée à la ministre et expédiée en copie conforme aux 125 députés de l’Assemblée nationale, la lettre souligne, entre autres, que la charte actuelle confère déjà, contrairement aux autres grandes municipalités du Québec, à peu près tous les pouvoirs au CE que préside le maire et que complètent quatre autres élus nommés par ce dernier.
«Lorsque la Ville a été mise sous tutelle, les tuteurs ont constaté que c’est cette charte qui avait permis à Gilles Vaillancourt d’agir à l’insu du conseil municipal, expliquent les requérants évoquant les dérives passées qui en ont découlé. Nous espérons ne pas revivre une telle mésaventure.»
Par ailleurs, les signataires ne manquent de rappeler au passage les gestes antidémocratiques qu’aurait posés au printemps 2018 Marc Demers au sein de son propre parti. Selon un affidavit alors signé par 10 des 19 élus du ML, M. Demers aurait falsifié les résultats d’un vote secret du caucus, menant à la crise politique qui a secoué l’Hôtel-de-Ville l’été dernier.
Question d’efficacité
À la séance du conseil du 5 février, le maire Demers a fait valoir que les changements proposés à la charte par le directeur du Service des affaires juridiques, Me Simon Tremblay, visent à rendre l’administration municipale «plus agile» en permettant «de déléguer des responsabilités à des fonctionnaires».
Par exemple, actuellement, un directeur de service n’a pas l’autorité de procéder à l’embauche d’un stagiaire non rémunéré sans avoir obtenu préalablement le sceau du comité exécutif.
«Dans un premier mandat, on a retourné des responsabilités au conseil municipal et on a dit qu’il fallait que les fonctionnaires aient les coudées franches pour faire leur travail» , a rappelé M. Demers, précisant que cet amendement permet de faire le pont d’ici à ce que la refonte en règle de la charte de la Ville, entamée il y a cinq ans, soit finalement adoptée.
Le maire s’est aussi défendu de s’arroger plus de pouvoir. C’est plutôt le contraire, a-t-il affirmé.
Il en veut pour preuve cette modification faisant en sorte qu’une délégation de pouvoir par règlement nécessitera désormais un vote aux deux-tiers des membres du conseil municipal plutôt qu’à majorité simple, comme c’est le cas présentement.
Chèque en blanc
Favorable à l’idée de rendre plus efficient l’appareil municipal, le conseiller de l’opposition officielle, Claude Larochelle, avait proposé de reporter le point jusqu’à ce que l’on connaisse le libellé du règlement intérieur afin que les élus puissent voter en toute connaissance de cause. «C’est un chèque en blanc pour donner plus de pouvoir au comité exécutif», a-t-il dénoncé. Le report a été rejeté et la modification à la charte adoptée, chaque fois à 13 voix contre 7.
Curieusement, M. Larochelle est le seul des sept élus à s’être opposés à la modification de la charte dont le nom n’apparaît pas au bas de la lettre envoyée à la ministre Andrée Laforest. «On n’était pas au courant de la démarche», a tout bonnement expliqué le chef de Parti Laval et de l’opposition officielle, Michel Trottier.
La lettre est signée par les cinq élus dissidents du Mouvement lavallois, David De Cotis (Saint-Bruno), Michel Poissant (Vimont), Isabella Tassoni (Laval-des-Rapides), Paolo Galati (Saint-Vincent-de-Paul) et Daniel Hébert (Marigot), de même que par la conseillère de la deuxième opposition Aglaia Revelakis (Chomedey).