Datée du vendredi 16 octobre 1970, cette lettre d’amitié adressée au maire fondateur de la Ville de Laval et ami personnel de Pierre Laporte, Me Jean-Noël Lavoie, n’a été retrouvée qu’en 2002. Et n’eût été de la vigilance d’un bénévole de la Société d’histoire et de généalogie de l’île Jésus, cette lettre n’aurait jamais été découverte.
Cachée dans un encadrement
La directrice générale de cet organisme, Dominique Bodeven, raconte qu’en 2002, une lettre glissée sous la feuille de papier taquée derrière une photo encadrée de Pierre Laporte avait attiré l’attention d’un membre affecté aux archives.
Cet encadrement figurait dans le fonds d’archives de Me Jean-Noël Lavoie, qu’il avait légué 20 ans plus tôt à la Société d’histoire et de généalogie de l’île Jésus. «J’ignorais qu’il se trouvait une lettre derrière le cadre, affirme au Courrier Laval Me Lavoie, rejoint à sa résidence du sud de la France où il profite de sa retraite. L’ex-député libéral, qui présidait l’Assemblée nationale au moment de la crise d’octobre, n’en a pris connaissance qu’à l’été 2002, 32 ans après sa rédaction.
Le bénévole Luc Raymond, à qui l’on doit la curieuse découverte, avait alors remis le document à son destinataire, qui habitait à l’époque Le Chantilly de l’Île Paton.
«Pincement au cœur»
«Ça m’a fait un pincement au cœur», se rappelle Me Lavoie en évoquant cet événement inusité qui rouvrait une vieille et profonde blessure.
«C’était un grand ami, dit-il au sujet de Pierre Laporte avec qui il a siégé pendant neuf ans à l’Assemblée nationale. On avait travaillé ensemble à la fusion de Laval. Pierre était ministre aux Affaires municipales à l’époque».
Enlevé le samedi 10 octobre 1970 devant sa résidence de Saint-Lambert par des membres de la Cellule Chénier du Front de libération du Québec (FLQ), Me Laporte est retrouvé sans vie, le samedi suivant, dans le coffre arrière d’une voiture garée près de l’aéroport de Saint-Hubert. «J’étais en voiture avec ma femme lorsque j’ai appris, à la radio, la nouvelle de son assassinat. Terrible! Tout le monde avait confiance qu’ils [les felquistes] le relâchent.»
Aujourd’hui âgé de 83 ans, Jean-Noël Lavoie avoue penser encore régulièrement à son ex-compagnon d’armes sacrifié dans la pire crise de l’histoire du Québec moderne.
Lettre d’amitié
«Mme Françoise Laporte a écrit à M. Lavoie sur du papier à en-tête de l’hôtel Reine-Élizabeth, où elle et ses enfants vivaient sous protection policière depuis l’enlèvement de son mari», explique Mme Bodeven, directrice générale de la Société d’histoire et de généalogie de l’île Jésus.
Mme Laporte remerciait Jean-Noël Lavoie et son épouse Régine pour leur lettre suivant l’enlèvement de son conjoint. «Ça nous réconforte les enfants et moi», écrit-elle.
Elle y précise que «le gouvernement fait bien les choses», qu’ils sont «choyés» à l’hôtel.
Puis, elle ajoute :«J’espère seulement que Pierre ne s’inquiète pas de nous pour qu’il puisse discuter (s’il en a le loisir) avec ses ravisseurs».
Elle termine en ces termes: «Jean Noël, je sais que je puis compter sur ton amitié pour Pierre, pour faire tout ce que tu peux pour me le ramener bientôt.»
Le lendemain, on apprenait la mort de Pierre Laporte.
Selon toute évidence, cette lettre n’a jamais été mise à la poste, mais glissée sous la photo officielle encadrée de M. Laporte, alors ministre du Travail, de l’Immigration et numéro deux du gouvernement Bourassa en sa qualité de vice-premier ministre du Québec. La veuve de Me Pierre Laporte en aurait fait cadeau à Jean-Noël Lavoie dans les semaines suivant le tragique décès de son mari, âgé de 49 ans.
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