Une équipe de recherche internationale, dont fait partie l’Université Laval, a été surprise de constater que les rivières nordiques ne se déplacent pas comme les modèles prédictifs l’annonçaient en fonction du réchauffement de la région.
Elle a fait cette observation alors qu’elle surveillait l’impact des changements climatiques sur les grands fleuves de l’Arctique canadien et de l’Alaska.
Avec le dégel du pergélisol, de nombreux scientifiques ont prédit que la migration des rivières nordiques pourrait entre autres être accélérée avec la déstabilisation et l’érosion des berges.
Cette hypothèse dominante n’avait jamais été vérifiée jusqu’à présent par rapport aux mesures de migration des rivières à méandres dans les zones de pergélisol.
L’équipe, dont fait partie la professeure agrégée au Département de géographie de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval, Pascale Roy-Léveillée, a analysé une collection d’images satellites prises à intervalles réguliers, certaines datant de plus de 50 ans.
Ils ont comparé plus d’un millier de kilomètres de berges de dix rivières arctiques de l’Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest.
Des résultats surprenants
«Le pergélisol se réchauffe et se dégrade à travers le Nord circumpolaire, mais l’influence d’autres facteurs contrebalance les effets de ce dégel sur la migration des grandes rivières à méandres. C’est le cas de la prolifération des arbustes dans des zones auparavant peu végétalisées qui stabilisent les berges», explique Pascale Roy-Léveillée, géomorphologue et titulaire de la Chaire de recherche en partenariat sur le pergélisol au Nunavik, par voie de communiqué.
L’analyse chronologique montre que la migration latérale des grandes rivières sinueuses de l’Arctique a diminué d’environ 20% depuis une cinquantaine d’années.
Dans le cadre de cette recherche, l’équipe a aussi analysé des rivières situées en Amérique, en Afrique et en Océanie, des régions sans pergélisol. Ces rivières ont migré à des rythmes conformes aux prédictions, contrairement à celles de l’Arctique.
L’évolution du savoir
L’équipe souligne ainsi l’importance de comprendre le comportement des rivières nordiques en réponse aux changements environnementaux afin de prendre la pleine mesure de leurs répercussions sur les régions arctiques et y remédier.
«La pensée scientifique évolue souvent par le biais de découvertes progressives, mais la grande valeur réside dans les idées perturbatrices qui nous obligent à regarder un vieux problème d’un œil nouveau», déclare Alessandro Ielpi, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique et premier auteur de l’étude, dans la même communication aux médias.
L’équipe espère que leurs résultats encourageront les scientifiques à réévaluer d’autres hypothèses fondamentales qui, une fois testées, pourraient révéler des facettes inusitées de la Terre en constante évolution.
L’étude a été publiée dans la revue scientifique Nature Climate Change. Les signataires sont Alessandro Ielpi, de l’Université de la Colombie-Britannique, Mathieu Lapôtre, de l’Université de Stanford, Alvise Finotello, de l’Université de Padua en Italie, et Pascale Roy-Léveillée, de l’Université Laval. (É.B/I.J.L)