(Dernière mise à jour: 17h20)
L’espace naturel voisinant avec la rivière des Mille Îles à la hauteur de la 10e Avenue, dans Fabreville, a été réduit à néant au début du mois de novembre.
Illégalement, les travaux de déboisement ont été effectués essentiellement sur deux lots appartenant à Gazaille Construction, dont le président Claude Gazaille n’a pas retourné notre appel ni répondu à nos courriels.
Alertée au petit matin du vendredi 4 novembre par des voisins inquiets, la Ville dépêchait un inspecteur de la foresterie urbaine avant d’exiger l’arrêt des travaux, sans succès.
«Aucun certificat d’autorisation d’abattage d’arbre privé n’a été demandé ni délivré par la Ville», affirme par courriel la cheffe aux Affaires publiques, Anne-Marie Braconnier.
Le lundi suivant, le propriétaire, «convaincu d’être dans ses droits», refuse à nouveau de cesser ses interventions, forçant la Municipalité à se tourner vers les tribunaux.
Injonctions
Six jours après les première coupes, l’administration municipale obtenait de la Cour supérieure une ordonnance d’injonction interlocutoire provisoire, visant à faire cesser tous les travaux d’aménagement de terrain sans permis, incluant la coupe d’arbres.
Puis, le 15 novembre, tombait une ordonnance de sauvegarde, prolongeant pour 15 jours les effets de l’injonction initiale.
Requérant l’anonymat par peur de représailles, un voisin dont la cour arrière donne sur le boisé a été témoin, impuissant, des premières interventions de l’opération défrichage au moyen de tronçonneuses et d’une pelle mécanique.
«Ç’a pas été long, informe celui qui a placé un premier appel autour de 7h30 au Service 311 pour dénoncer la situation, le 4 novembre. [L’opérateur] accotait sa pelle mécanique sur le haut des arbres et couchait ça un après l’autre».
À l’exception de quelques arbres en bordure de la rivière et des propriétés riveraines, tout aurait été rasé, poursuit-il en soulignant que «tous les jours des gens empruntaient le sentier pour y promener leur chien ou pour accéder à la rivière».
Parmi ces habitués, Michaël Paquette. «Moi et ma conjointe avions l’habitude d’aller prendre des marches avec notre fille de 4 ans et maintenant il n’y a pratiquement plus rien», se désole-t-il.
Étendue des dégâts
Dans son courriel, M. Paquette fait valoir que «personne ne voulait que ce soit détruit», y compris les autorités municipales qui projetaient acquérir le terrain boisé pour en faire un parc avec accès à la rivière. Le citoyen étaye cette affirmation d’un document public – déposé dans le cadre des consultations sur le Code de l’urbanisme de la Ville de Laval à l’été 2021 – que le Courrier Laval a pu consulter.
Quant à l’étendue des dégâts, la Municipalité évalue la superficie déboisée à quelque 12 500 mètres carrés, soit près de 75 % de cet espace naturel situé au nord du boulevard Sainte-Rose entre la 9e et la 11e Avenue.
«En rive et dans l’aire d’influence du milieu humide d’intérêt, il s’agirait d’environ 955 m² de déboisement», note Mme Braconnier.
En date du 9 novembre, l’inventaire partiel relevé sur le terrain fait état d’au moins 77 arbres de plus de 10 centimètres de «diamètre hauteur-poitrine», 775 arbres de plus de 2,5 centimètres et environ 240 arbres de moins de 2,5 centimètres de diamètre, détaille le Service des affaires juridiques de la Ville dans un document déposé en cour auquel le Courrier a eu accès.
Remise en état
Dans sa demande d’injonction permanente, la Ville de Laval réclame qu’on ordonne à Gazaille Construction la remise en état des lieux du boisé avant l’abattage massif en replantant minimalement les 1092 arbres de taille comparable à ceux qui ont été rasés.
«Nous entendons privilégier une remise en état de la rive et de la bande de protection du milieu humide d’intérêt», ajoute la porte-parole de la Municipalité dans un échange de courriels.
De son côté, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques procédera à une inspection la semaine prochaine afin «de déterminer s’il y a eu manquement à la Loi sur la qualité de l’environnement», explique le conseiller en communications et porte-parole régional, Frédéric Fournier. «Le Ministère n’écartera aucun recours pour assurer un retour à la conformité s’il y a manquement», précise-t-il.
Amendes
Le dossier est toujours sous analyse à la Ville, qui dispose de différents leviers pour sévir auprès du contrevenant.
Celui-ci s’expose en effet à des amendes pour avoir défier la règlementation
municipale en lien avec le Code de l’arbre et les dispositions réglementaires concernant la protection des milieux humides d’intérêt.
En plus d’une contravention de 200 à 2000 $, une entreprise prise en défaut est également passible d’une amende oscillant entre 5000 et 15 000 $ pour chaque hectare déboisé illégalement. Dans le cas présent, on estime à 1,25 hectare la superficie défrichée, soit l’équivalent de près de deux terrains de soccer.
Zonage révisé
Précisons que Gazaille Construction s’était portée acquéreur de ce terrain en 1998 dans l’espoir d’y construire des résidences unifamiliales et des maisons jumelées, ce que permettait alors le zonage jusqu’à l’entrée en vigueur la semaine dernière du Code de l’urbanisme. Depuis, ces deux lots sont frappés d’un zonage de protection qui en restreint grandement le potentiel de développement. En clair, on n’y autorise plus que la construction d’unifamiliales isolées sur des terrains de grande superficie, soit 15 000 mètres carrés et plus.
Lors des consultations publiques l’année dernière, le propriétaire avait tenté en vain de convaincre la Ville de revoir le zonage afin de lui permettre de réaliser son projet domiciliaire de 33 résidences de type «jumelé» sur deux étages.