«D’ici trois mois, avec les ressources appropriées, nous serons en mesure d’évaluer l’efficacité de notre vaccin et de déterminer s’il est en mesure de détruire le virus de la COVID-19», affirme Dany Valiquette qui préside aux destinées d’une biopharma en incubation au Centre québécois d’innovation en biotechnologie (CQIB).
Le vaccin en question, les chercheurs de Glycovax Pharma, à Laval, y travaillent depuis trois ans, soit bien avant l’apparition de la maladie à coronavirus 2019.
Heureux hasard
Ces travaux de recherche et développement qui visaient à éradiquer le cancer du sein allaient mener à une découverte porteuse d’espoir, indique le directeur scientifique, vice-président recherche et cofondateur de cette biotech, Dr René Roy.
«L’analyse du virus de la COVID-19 nous a démontré qu’il avait précisément des propriétés en lien direct avec les molécules que nous développons chez Glycovax Pharma», dit-il, alors que plusieurs biomarqueurs identifiés sur le virus font déjà partie de la chimiothèque d’immunogènes glycoconjugués développés dans ses laboratoires.
En outre, les structures de glucides du coronavirus sont très similaires aux structures sur lesquelles la société concentre ses travaux depuis 2017.
«Cette découverte nous permet d’envisager une solution qui pourrait être déployée assez rapidement pour contrer ce virus», poursuit le glycochimiste et professeur associé à l’INRS Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologies.
Phase préclinique
Dans le cadre des travaux liés au cancer du sein, un vaccin semi-synthétique a récemment été testé sur des souris au Centre national de biologie expérimentale de l’INRS, toujours à Laval.
Quatre mois plus tard, celles-ci se portent bien, mentionne Dr Roy. «Elles produisent encore des anticorps contre les cellules cancéreuses. Si tout va bien, on pourra possiblement dès la semaine prochaine tester ces anticorps contre différentes souches de la COVID-19.»
À vitesse grand V
Advenant que les candidats-vaccins produisent les résultats attendus et stimulent la réponse immunitaire chez des modèles animaux plus près de l’Homme, Glycovax Pharma pourrait alors entreprendre les études cliniques chez des humains aussi rapidement que d’ici la fin de l’année, croit son directeur scientifique.
«Dans un monde idéal, on pourrait avoir accès à un vaccin dans 12 à 15 mois», poursuit-il en évoquant l’urgence de la situation.
Un objectif très ambitieux, reconnaît Dr Roy, les études de phase I, II et III visant à démontrer la stabilité, l’innocuité et l’immunogénicité d’un vaccin s’échelonnant généralement sur une quinzaine d’années.
«Un de mes collègues a été capable de produire en sept mois un vaccin contre l’Ebola», mentionne-t-il au passage en parlant de Gary Kobinger, chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec et professeur au département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval.
Du fric
Si le financement est le nerf de la guerre pour les petites biotechs de ce monde, Dr René Roy et son équipe de chercheurs ont de quoi respirer d’aise depuis que Justin Trudeau a annoncé hier (jeudi 23 avril) qu’Ottawa réinjectait 1,1 G$ pour financer la recherche dont 662 M$ versés en soutien aux essais cliniques.
Le premier ministre fédéral a été clair à l’effet qu’il fallait développer rapidement un vaccin pour protéger la population contre la COVID-19 et en finir avec cette crise sanitaire qui paralyse tout le pays.
Sommité mondiale
Fort de ses 40 ans d’expérience en recherche, 340 articles scientifiques, 4 brevets et 2 succès commerciaux, Dr René Roy figure parmi l’élite mondiale de la chimie médicinale.
En collaboration avec une équipe de chercheurs de l’Université de La Havane, ce professeur émérite de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) a notamment contribué au développement du premier vaccin semi-synthétique au monde, lequel a permis d’éradiquer les infections bactériennes causant la méningite chez les jeunes enfants. Ces 15 dernières années, on estime à plus de 65 millions le nombre d’enfants qui ont reçu le vaccin à travers le monde.
Nouvelle approche
Leader dans le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques contre le cancer et les maladies infectieuses, Glycovax Pharma a fait breveter en 2018 auprès du United States Patent and Trademark Office sa plateforme entourant la conception et le développement de vaccins semi-synthétiques pour la prévention et le traitement des cancers.
Ici, l’innovation repose essentiellement sur «les antigènes du cancer du sein choisis pour la préparation du vaccin synthétisés par simple glycochimie [chimie des sucres] en laboratoire plutôt qu’extraits de cellules tumorales».
Cette approche, qui favorise la création de nouveaux protocoles de synthèses chimiques, permettrait de «livrer des médicaments avec une précision incomparable seulement aux zones touchées pour réduire la toxicité et les effets secondaires» et d’«inhiber l’adhésion des bactéries aux tissus humains», peut-on lire sur le site de la biopharma lavalloise.