C’était un mardi de juin 1961. Avec un diplôme en poche et neuf ans d’expérience en salon derrière la cravate, Aurel Lelièvre se lançait en affaires. Aujourd’hui, le plus vieux commerçant de l’île célèbre les 50 ans du Salon de coiffure Aurel Lelièvre.
Au 131, boulevard des Laurentides, entre deux centres commerciaux, une maison unifamiliale trône. C’est au rez-de-chaussée que le coiffeur est installé depuis 22 ans. «J’ai changé trois fois de salon, mais toujours sur des Laurentides», spécifie l’homme d’affaires.
Un entrepreneur qui se considère davantage comme un créateur. «La coiffure, c’est très artistique. Ce n’est pas un travail de routine. Moi-même, j’ai créé des modes, des lignes et des techniques», lance-t-il fièrement, avant d’aller chercher ses documents d’archives dans le fond du tiroir caisse.
«C’est moi qui ai créé la coupe Orel, regardez. J’ai aussi inventé la technique du mèche à mèche, qui consiste à effiler les cheveux avec le rasoir.»
Tout un parcours
Plusieurs fois honoré pour ses talents au niveau provincial, il remporta également le concours international de coiffure en 1964, à Boston.
Régulièrement cité dans les revues de l’époque, le Lavallois se félicite d’avoir coiffé plusieurs personnalités. «Guy Godin, Yoland Guérard… et j’ai fait plusieurs émissions avec Serge Bélair. J’ai aussi participé à la ligne de coiffure pour hommes à l’Expo 67.», ajoute Aurel Lelièvre, qui a aussi enseigné durant une vingtaine d’années.
Affiches en noir et blanc, trophées, les murs du salon au design des années 1980 témoignent du parcours de l’homme de 79 ans. Plus récemment, c’est le maire Gilles Vaillancourt qui lui a remis une lettre de félicitations, pour les 50 ans de «service à la communauté».
Une clientèle fidèle
Chez Salon de coiffure Aurel Lelièvre, ce jeudi après-midi, deux clients attendent pendant qu’un autre se fait coiffer.
Tous fréquentent le salon depuis plus de 35 ans. «L’essayer c’est l’adopter!», dit Richard Drouin, qui vient tous les trois mois, depuis 37 ans. «Je suis toujours satisfait et c’est un bon vivant».
Ancien avocat, Jacques Bertrand est entré au salon la première fois pour des raisons pratiques. «À l’époque, mon bureau était en face, et quand on est satisfait, on retourne toujours au même.»
Les clients fidèles représentent les trois quart de la clientèle d’Aurel Lelièvre. «La plupart du temps, les nouveaux clients viennent car ils ont été référés.»
Un métier qui évolue
Lorsque M. Lelièvre était à l’école, «c’était l’époque où l’on appelait cela le cours de barbier». La réalité de la profession était différente.
«À l’époque, avant d’ouvrir un salon, on devait avoir au moins cinq ans d’expérience. La profession était protégée.» Un temps qu’il semble bien regretter. «Moi, j’ai appris cela pour en faire carrière. Aujourd’hui, c’est plus une option B», pense-t-il.
Pendant qu’il ressasse le passé, le client assis dans le siège se tourne plutôt vers l’avenir. «Moi, je me demande où je vais trouver un aussi bon coiffeur?» s’interroge Jean Valiquette, résident de Mirabel, qui passe le pas de la porte tous les mois, depuis 36 ans.
Mais, pour l’instant, même si Aurel Lelièvre est en préretraite, puisqu’il n’ouvre que trois jours et demi par semaine, celui qui se dit «mordu du métier» est loin d’imaginer la fin de cette aventure.