En 2 ans, la pénurie de main-d’œuvre aurait privé l’industrie manufacturière québécoise de 18 milliards de dollars, ce qui représente des pertes estimées à 770 M$ à Laval.
Voilà ce qui ressort de la tournée de consultations menée par Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) auprès d’entreprises manufacturières de 10 régions de la province et d’un sondage effectué auprès de 400 d’entre elles à la fin du printemps.
À Laval, le coup de sonde révèle que 63 % des entreprises interrogées ont dû refuser des contrats et/ou accumuler des retards de production ces deux dernières années en raison d’un manque de personnel. Même que 4 entreprises sondées sur 10 (42 %) ont envisagé de déménager une partie de leurs activités à l’étranger ou d’y sous-traiter davantage de contrats. La ville-région domine à ce chapitre devant le Centre du Québec (39 %), l’Estrie (38 %), Chaudière-Appalaches et la Capitale-Nationale (36 %).
Cri du coeur
«La pénurie de main-d’oeuvre est un frein à la relance économique», rappelle la présidente-directrice générale de MEQ, Véronique Proulx, dans un communiqué publié le 29 septembre.
Puis, interpellant le gouvernement Legault, elle enchaîne: «Combien d’argent le gouvernement est prêt à perdre dans les prochaines années? Combien d’entreprises devront refuser des contrats, délocaliser une partie de leurs activités à l’étranger ou réduire leur croissance ou fermer avant que l’on s’attaque à la pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur manufacturier avec des mesures qui ont de l’impact?»
25 330 postes vacants
Les besoins sont criants, poursuit le regroupement qui affirme que près d’une entreprise sur 4 est actuellement privée d’au moins 20 % de sa main-d’œuvre.
À travers la province, la moitié des postes à pourvoir (49 %) offrent des salaires entre 20 et 29 $ de l’heure. À Laval, les emplois dans cette fourchette de taux horaire représentent plutôt 29 % des postes vacants chez les manufacturiers interrogés.
Journaliers, opérateurs, soudeurs, machinistes, manoeuvres, assembleurs, techniciens, mécaniciens et ingénieurs figurent parmi les postes les plus difficiles à combler.
Toujours à Laval, les postes moins bien rémunérés (moins de 20 $ de l’heure) comptent pour la majorité des postes à combler (39 %), alors que les emplois affichés entre 30 et 40 $ représentent 15 % comparativement à 18 % pour ceux dont le tarif horaire excède les 40 $.
À l’échelle du Québec, on ne recensait pas moins de 25 330 postes vacants au deuxième trimestre de l’exercice en cours, soit 38 % des 65 905 postes à pourvoir dans le secteur de la fabrication au pays, un sommet.
En comparaison avec la situation qui prévalait au 2e trimestre 2019, période où les manufacturiers québécois étaient déjà aux prises avec un problème de pénurie de main-d’œuvre, les postes vacants sont en hausse de 30 % avec quelque 6000 postes de plus à combler.
En foi de quoi, le bassin actuel de travailleurs ne suffit tout simplement pas, soutient Mme Proulx.
Appel au gouvernement
Le regroupement des manufacturiers et exportateurs demande au gouvernement du Québec de revenir d’ici un an au niveau de vacance d’avant la pandémie, ce qui impliquerait l’embauche d’environ 9000 travailleurs.
«Il faut aligner les programmes gouvernementaux sur les besoins des manufacturiers si nous voulons augmenter notre empreinte manufacturière», fait valoir Véronique Proulx tout en rappelant l’ambition du premier ministre François Legault d’augmenter le volume de produits fabriqués au Québec.
Celle qui fut directrice du Centre des affaires internationales de Laval Technopole (CAILT) avant de quitter pour le MEQ en 2015 propose à Québec un plan d’action de 13 mesures pour pallier la pénurie.
Plan d’action
Baptisé le Grand Blitz, ce plan suggère, entre autres, un accès plus important aux travailleurs étrangers. Comment ? En augmentant les seuils d’immigration économique permanente, en accélérant le processus d’admission, selon les besoins du secteur manufacturier, en réduisant à 9 mois le délai moyen de traitement des dossiers et en mettant en place – par région – des missions de recrutement international au sein des pays de la francophonie pour des emplois en demande.
Au chapitre de la formation et de la rétention de la main-d’œuvre, on demande de mieux appuyer et outiller les PME manufacturières qui font de la formation à l’interne.
En matière de promotion, le regroupement réclame des actions pour mieux faire connaître le secteur manufacturier auprès des clientèles éloignées du marché du travail et attirer les jeunes.
Également, la demande est à l’effet d’accentuer le soutien financier et l’accompagnement technique en ce qui a trait à l’automatisation et la robotisation des entreprises.
Poids lourd de l’économie, le secteur manufacturier représente 13,5 % du produit intérieur brut (PIB) québécois et 86,5 % des exportations. En 2020, ce secteur d’activité a généré des ventes globales de quelque 153 milliards de dollars en plus de procurer du travail à près d’un demi-million de personnes au Québec.