Ronnie «René» Mergl, 2e actionnaire et vice-président de la firme Nepcon, est témoin à la commission Charbonneau, le 29 mai. Lui et ses deux frères, Mike et Anthony Mergl, font partie de la rafle des 37 personnes arrêtées à Laval par l’UPAC, le 9 mai.
Le conseiller municipal Jean-Jacques Beldié, également président de la STL, est le beau-frère des Mergl.
La compagnie de construction Nepcon a été fondée en 1959 par Anthony Mergl, 1er actionnaire et président de celle-ci.
Nepcon a obtenu pour 95 M$ de contrats avec la Ville de Laval entre 1996 et 2012, selon des données fournies par Ville à la commission.
Appuyer les activités de Gregory Charles
Son entreprise a donnéà deux reprises25000 $pour encourager les projets artistiques organisés parGregory Charles à Laval, sans toutefois préciser au courant de quellesannées et quelles activités. Mergl ne le faisait pas de bon cœur. «On voulait faire partie du groupe». Chez Nepcon,c’étaitune obligation de donner ces sommes, car c’était «bien vu».
Il a donné également de l’argentaux tournois de golf du maire Vaillancourt, et au Club des Lions de Laval.
Mergl connaissait Gilles Vaillancourt avant même qu’il soit maire. Il le rencontrait par la suitelors d’activités sociales (tournois de golf, soupers bénéfices) auxquelles tous les entrepreneurs participaient. Il ne le considérait pas comme un ami, mais comme une connaissance.
Appuyer le PRO
Il a appuyé le parti PRO des Lavalloisfinancièrement pendant des années, mais ne se considère pas comme un grand donateur. «Mon beau-frère (Jean-Jacques Beldié) est échevin et je l’appuie pour ça.»
Son frère Anthony connaissait Vaillancourt depuis qu’il avait 7 ou 8 ans. Ils ont gardé contact depuis l’enfance.
De vrais et de faux extras
Il y avait de «vrais» extras et de «faux» extras à Laval. Il a eu de faux extras avec Laval Gagnon, ingénieur chez Cima+, qui lui a « rendu service » sous forme de remised’argent comptant, 4 ou5 fois sur 15 ans.
Cette manière de faire permettait de créer un coussin, à partir duquel Nepcon pouvait être payé lorsqu’il y avaitde vrais extras. «C’était le résiduel qui restait dans les montants, c’était au tour de 5000 $.»
Avec les autres consultants, il n’avait pas besoin d’inventer des extras.
Des estimés gonflés d’une année à l’autre
La Ville faisait ses estimés en fonction des coûts des projets antérieures, et calculait la moyenne suivant l’historique de ceux-cicomprenant la collusion, ce qui les gonflait d’année en année.
Mergl a témoigné qu’ilrecevait des contrats mêlés à la collusion même s’il ne payait pas le 2%. La marge de profit pour un contrat en collusion est entre 15% et 18%, tandis qu’un contrat n’en faisant pas partie donne 10%.
Les ristournes de 1996 à 2012
Selon Mergl, la valeur totale des ristournes de 2% versées par Nepcon de 1996 à 2012à Marc Gendron et Roger Desbois, les deux de la firme de génie de Tecsult, anciennement Gendron Lefevbre, était environ de 200 000 $.
La commission calcule toutefois que ce serait 2 M$ qui auraient été versés.
Par ailleurs, il soutient qu’il a arrêté de payer les 2% à M. Desbois, alors queClaude de Guise, ex-directeur du génie de la Ville de Laval,était toujours en fonction, en 2008.
Il souligne toutefois qu’il aurait pu rester en place en tant qu’entrepreneur à Laval, même s’il ne faisait pas partie du cercle de la collusion.
Départ de Claude de Guise
Roger Desbois a pris la relève après le départ de M. de Guise. Il était collecteur, et distributeur d’information. M. Desbois choisissait les gagnants, mais Mergl ne connait pas les critères de sélection.
Lorsqu’un entrepreneur gagnait un contrat, il avait la liste des autres soumissionnaires pour leur annoncer qu’ils avaient perdus. C’était la pratique mise en place.
«Le chef d’orchestre c’était Claude de Guise»
Claude de Guise dirigeait principalementle système. Il avait des directives de son patron, Claude Asselin, ex-directeur général de Ville de Laval jusqu’en février 2006. QuandM. Mergldemandait des contrats, de Guise lui indiquait si c’était son tour ou non.
Mergl était messager de Claude de Guise pour « ralentir l’achalandage des entrepreneurs dans son bureau. »
Il a ensuite fait le pont entreGaétan Turbide, ex-directeur général de la Ville de Laval etClaude de Guise, car les deux avaient un conflit de personnalité.M. Turbidene s’entendait pas avec de Guise, et ne voulait donc pascommuniquer avec lui. Mergl est allé voir Turbidepour que de Guise reste en place, car ce dernier était particulièrement utile et efficace dans la gestion de la collusion.
« On était bien avec lui, malgré ses sauts d’humeur. Avoir un directeur qui gère ce genre de travail, il y en a pas beaucoup. Il était efficace. »
Faire entrer de nouveaux joueurs
M. Mergl est allé voir M. Chagnon, de ABC Rive-Nord, pour lui demander de participer à la collusion à Laval,en lui expliquantque la Ville donnait des contrats.ABC Rive-Nordavait déjà des contrats sans être dans le système. La soumission de complaisance est arrivée après leur rencontre et ABC Rive-Nord s’est joint au cercle.
Il fallait ajouter de nouveaux joueurs dans le système pour qu’il fonctionne à son plein potentiel.
Le «messager» deClaude de Guise
Mergl a occupé trois rôles dans la collusion: être ungagnant des soumissions, être unperdant, et être le «messager» de M. de Guise.
Il a «aidé» M. de Guise en tant que «messager» jusqu’en 2005, mais «ça faisait des jaloux.» Cette tâche mettait en danger l’harmonie du système, d’après lui.
En tant que messager, ce n’est pas lui qui choisissait legagnant. Il a fait cela pour M. de Guise pour les groupes d’entrepreneurs que ce dernier choisissait. À sa connaissance, il était le seul messager du système.
Devoir le 2%
M. Merglr devait 2% à Marc Gendron, compagnie d’ingénieurs-conseils, selon ce que Claude de Guiselui avait expliqué.
Il pouvait faire 25000 $ ou 30000 $ de paiement à M. Gendron. Mais ça n’a pas toujours été 2%, parfois moins, c’était une entente avec M. Gendron. Régulièrement 1% de paiement, le premier remonte à 1996-1997.
Avant et après les élections, le système est collusionné. Entre-temps, il ne l’est pas, d’après M. Mergl.
Un système «très fragile»
Pour avoir les contrats, il fallait soumissionner légèrement plus bas que le prix estimé par la Ville. Il ne fallait pas dire le prix aux autres soumissionnaires. C’était plus simple si les autres entrepreneurs étaient au dessus de l’estimé. Le système de contrats arrangés était fragile etpouvait «se démentibuler».
Il appelait les compétiteurs pour leur dire qu’il avait gagné et les autres devaient faire des soumissions «de complaisance». «Tout le monde était bien organisé pour le faire. On le sait à l’ouverture de la soummissionsi on est perdant.»
L’entrepreneur gagnant avise les autres qu’il a gagné, mais ne dévoile jamais son prix.
«Favoriser des entreprises locales»
Claude de Guise avait indiqué à Mergl de «favoriser des entreprises locales», une pratique exécutée depuis le maire Jean-Noël Lavoie.
«Claude de Guise voyait nos compétences, s’il y avait des contrats qu’on pouvait exécuter, il nous donnait des projets. C’était une façon de nous mettre dans son système, explique M. Mergl.Ça débutait aveclui et son patron, M. le maire.»
M. de Guise choisissaient les «gagnants», en regardant par les «capacités» des entrepreneurs, et non pas par le plus bas soumissionnaire. Il désignait le gagnant avant même que les soumissions soient faites.
M. De Guise avisait une seule personnes dans le système des soumissionnaires. «On choisit l’enveloppe qui nous concernait. Les enveloppes étaient données aux gagnants. Pour pouvoir avoir de l’harmonie, il faut sortir plusieurs contrats en même temps, et on plait à tout le monde qui participent au système de collusion.»
Il a été confronté au phénomène de collusion à Laval vers 1995-1996. Claude Ulysse Lefebvreétait maire dans ces années. Il témoigne qu’il y avait possiblement de la collusion pendant le mandat de M. Lefebvre.
Avant et après les élections
L’année qui précède et suit une élection municipale est la meilleure en terme de chiffre d’affaire pour Nepcon. Ville de Laval était un excellent client. Ronnie Mergl dit que les contrats de Laval ont représenté environ 25-30% du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Vers fin des années 1990, Nepcon a reçu beaucoup de contrats à Ville de Laval, mais la meilleure année était 2007 en termes de chiffres d’affaire.
Journaliste: Caroline Lévesque