Un conte de Noël pour adultes signé Micheline Duff. Exceptionnellement, l’an dernier, la pandémie due à la Covid se trouvait à son pire à l’approche de Noël.
Les autorités conseillèrent fortement aux gens de ne pas se rencontrer, encore moins de faire la fête afin d’empêcher l’éclosion de devenir plus forte.
Déçus, la plupart des citoyens acceptèrent de plein gré la recommandation et renoncèrent à leur traditionnelle fête de Noël. Pas de réunion, pas d’embrassades, pas de repas à la dinde, pas de père Noël et pas de cadeaux.
Habitués à de joyeuses réceptions au temps des Fêtes, mon mari et moi sommes demeurés silencieux en entendant l’annonce.
Il faut dire que notre famille intime comporte 25 personnes: nos 4 enfants et leurs conjoints, les 15 petits-enfants qu’ils nous ont donnés, en plus de Yves et moi… Ouf! Qu’allions-nous faire à Noël, enfermés seuls tous les deux dans notre grande maison?
Idée lumineuse
À un moment donné, quelques jours avant la date, j’eus la brillante idée d’appeler chacun de nos enfants pour les aviser que nous passerions chez chacun d’eux l’espace d’une heure, le jour même de Noël.
― Mais, maman, une heure ensemble, n’est-ce pas suffisant pour se transmettre les bactéries de la Covid les uns aux autres si jamais l’un d’entre nous en est atteint?
― Non, non, ne t’inquiète pas, nous nous verrons dehors, dans votre jardin, autour du feu de camp que vous allumerez pour nous. Je vous le demande tout simplement. Alors, nous serons chez Isabelle vers onze heures du matin, chez Geneviève à une heure de l’après-midi, à la maison de Charles vers trois heures et chez Marie-Hélène à cinq heures. Est-ce que cela vous convient? N’oubliez pas de tous vous habiller chaudement. Et si vous nous offrez un verre de vin pour nous réchauffer, nous l’accepterons avec grand plaisir.
Début des visites
Notre première visite de Noël eut donc lieu chez notre aînée à Saint-Jean. À peine avons-nous mis un pied dans la cour que tous se levèrent pour crier en chœur « Joyeux Noël ! »
en se blottissant contre nous sans hésiter. Ma première idée était de ne pas nous approcher les uns des autres, mais… Après tout, pourquoi pas?
Nous avions tous, par-dessus nos oreilles une tuque de laine enfoncée jusqu’aux yeux, sans parler du masque bleu que chacun portait sur la moitié de son visage. Cela en plus du manteau d’hiver dont l’épais collet remonté s’entourait d’un large foulard, sans oublier les chaudes mitaines enrobant nos mains.
Comment les coronavirus pouvaient-ils se propager?
Autour d’un chaleureux feu de bûches allumé dans le foyer extérieur qu’ils possèdent au bout du balcon sur le côté de la maison, nous avons dégusté un excellent vin rosé en guise d’apéritif préalable aux sandwiches au poulet que j’avais cuisinées la veille et que Yves et moi avalerions à l’intérieur de la voiture après notre départ.
Trois des cinq adolescents nous présentèrent alors leur chum ou leur nouvelle blonde.
― Ah! Seigneur! Notre famille continue de grandir! s’écria leur grand-père.
Quel beau cadeau de Noël!
Escale lavalloise
En début d’après-midi, nous nous sommes acheminés à Laval, chez notre deuxième fille.
Ce fut leur chien Léa qui nous accueillit en tout premier lieu par un strident jappement qui, je le suppose, signifiait «Joyeux Noël!»
Tous les membres de la maisonnée à l’exception de l’un d’eux, étaient déjà installés autour d’un immense feu de camp au centre du jardin.
Ils nous reçurent bien chaleureusement et nous offrirent un verre de Grand Marnier en guise de digestif.
― Tu représentes notre plus beau cadeau du jour, grand-maman! lança l’un d’eux.
Ce fut le mien pour moi aussi, je l’avoue.
Malheureusement, l’aîné de leur famille se trouvait absent, obligé d’occuper son poste de travail chez le dépanneur du coin.
Qu’à cela ne tienne, Yves et moi nous sommes dirigés vers le magasin en question pour lui causer la surprise du siècle.
En catimini, je m’emparai de cinq tablettes de chocolat et m’en fut à la caisse pour les payer.
Me reconnaissant soudain, il ne cessa de manifester son étonnement et sa joie produite par notre visite.
Quand je lui affirmai que tout ce chocolat constituait son cadeau de Noël, notre grand petit-fils redevint tout à coup un bambin et ne put s’empêcher de verser une larme.
Une larme que je partageai, évidemment!
Direction Laurentides
Puis vint le moment de nous rendre à Mirabel où notre garçon élève ses trois jeunes enfants, les représentants les moins âgés de toute la famille.
Au préalable, Yves avait revêtu l’habit du père Noël puisque les petits y croyaient encore «dur comme fer».
J’apparus donc la première dans leur cour arrière où un immense feu pétillait déjà.
―Bonjour mes amours! ai-je lancé aux bambins qui accoururent aussitôt pour se coller contre moi. Devinez qui j’ai rencontré, dans une rue de la ville: le père Noël! Et j’ai réussi à le convaincre de m’accompagner jusqu’ici afin de placoter avec vous. Regardez, le voilà!
Je désignai alors notre voiture dans le stationnement et tous se retournèrent pour voir le bonhomme Noël en sortir en s’écriant d’une grosse voix:
― Ah! Ah! Ah! Salut les amis, comment allez-vous? Je vous ai laissé des cadeaux au pied de votre arbre de Noël, la nuit dernière. Les avez-vous appréciés?
Convaincus que ces étrennes provenaient directement du Pôle Nord, tous se lancèrent dans ses bras pour le remercier avec précision sur chacun des jouets dont leurs parents les avaient comblés.
Je leur demandai alors de lui chanter un air de Noël, ce qu’ils acceptèrent sans hésiter.
On nous installa, le père Noël et moi, sur de confortables chaises auprès du feu de camp, et notre fils et sa femme nous apportèrent aussitôt une douce bière à déguster tout en regardant les petits s’amuser autour de nous. Le bonheur…
Dernière mission
Notre dernière visite nous ramena à Laval chez notre troisième fille dont l’âge des quatre enfants varie entre 10 et 16 ans.
Bien sûr, ils ne mirent pas de temps à réaliser que sous l’habit du père Noël se dissimulait leur grand-père qui avait négligé de se changer.
Celui-ci sortit de son sac un énorme lot de guimauves à faire griller sur les braises du grand feu allumé au milieu de la cour.
Nous n’en finissions plus de nous pourlécher les babines, nouveau délice de Noël que je n’allais pas oublier.
Soudain, je saisis un paquet de feuilles bien camouflées sous mon bras. Les jeunes ne me crurent pas quand je leur déclarai être la fée des étoiles qui leur avait rédigé un conte de Noël.
Tous affirmèrent qu’il était plutôt le produit de l’écriture de leur grand-mamoune, et ils exigèrent que je leur lise mon texte à voix haute, immédiatement.
À la fin, les applaudissements ne tardèrent pas et résonnèrent dans tout le canton, relatant tout le plaisir que Yves et moi avions éprouvé au cours de chacune de ces visites.
Retour à la maison
De retour chez nous, le soir de la fête, lui et moi en pantoufles et robe de chambre, serrés l’un contre l’autre sur le divan du salon et notre chat à nos pieds devant un magnifique feu de cheminée, en avons profité pour évoquer ces nouveaux souvenirs tellement précieux.
Un succulent souper bien arrosé que nous avions préparé ensemble le matin même nous attendait. Paix, amour, douceur, tendresse, chaleur et bougies… L’un des plus cadeaux de Noël de notre vie!
Mes meilleurs vœux à mes concitoyennes et concitoyens de Laval pour le temps des Fêtes!
Micheline Duff