Pour son rôle dans le système de collusion et corruption lié au partage des contrats publics du temps de Gilles Vaillancourt, Laval Gagnon est condamné à huit mois de radiation du tableau de l’Ordre des ingénieurs du Québec en plus d’écoper d’une amende de 8000 $, s’ajoutant au paiement des déboursés relatifs à l’instruction de la plainte.
Cet ex-associé de la firme de génie-conseil CIMA+ n’étant plus membre de l’Ordre, la radiation qui lui est imposée ne deviendra exécutoire qu’au moment de sa réinscription au tableau de l’Ordre.
Les faits reprochés se sont déroulés sur une période d’environ cinq ans, soit jusqu’à ce qu’il quitte en 2008 la firme dont il était un membre associé fondateur en 1990.
De 2003 à 2006, alors qu’il est chef de service du municipal, il agit comme personne responsable chez CIMA+ dans ce système de partage des contrats publics, puis comme personne-ressource alors qu’il occupe le poste de chargé de projet de 2006 à 2008.
Jusqu’à 150 000 $ par année
Pendant toutes ces années, c’est lui qui versera aux collecteurs de Gilles Vaillancourt la ristourne d’environ 2 % de la valeur des mandats obtenus de la Ville. À l’audition de la plainte, Laval Gagnon a estimé avoir remis annuellement aux collecteurs la somme pouvant atteindre 150 000 $.
Pour ces gestes, l’ex-ingénieur de 61 ans avait été condamné en 2017 devant les instances, écopant d’une sentence de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité suivie d’une période de probation de deux ans sans surveillance.
Appel à la clémence
Lors des représentations sur sanction, M. Gagnon suggérait l’imposition de simples réprimandes sur chacun des quatre chefs d’infraction portés contre lui, lui qui considérait avoir suffisamment payé pour ses fautes.
Outre sa condamnation au criminel, il évoquait une séparation avec la mère de ses trois enfants dans les années suivant son arrestation de 2013, la perte de sa maison et certains problèmes de santé, dont un zona.
Une sanction sévère s’imposait
Au moment de rendre sa décision, le Conseil de discipline de l’Ordre a plutôt jugé qu’«une sanction sévère» s’imposait, estimant «très graves» les gestes commis. Cela dit, l’absence d’antécédents disciplinaires de M. Gagnon, sa collaboration à l’enquête du syndic de l’Ordre et son plaidoyer de culpabilité à la première occasion ont été pris en compte.
Par ailleurs, le conseil disciplinaire rappelle, entre autres, que «le devoir d’honnêteté et d’intégrité du professionnel est le fondement du lien de confiance qui doit exister entre un ingénieur et son client», que «la conduite de l’intimé porte ombrage à l’ensemble de la profession» et que «la sanction ne doit pas punir mais assurer, en tout premier lieu, la protection du public».
En ce sens, une radiation temporaire de 8 mois couplée à une amende de 8000 $ a «le mérite d’atteindre les objectifs de dissuasion pour l’intimé et d’exemplarité pour les membres des la profession et la protection du public», justifie-t-il.
Et de 13!
Mine de rien, Laval Gagnon est le 13e ingénieur, dont le 4e ex-dirigeant de CIMA+ à s’attirer les foudres du tribunal de l’Ordre depuis la mise au jour du stratagème de partage des contrats publics sous l’administration Vaillancourt.
Avant lui, Yves Théberge et Louis Farley (tous deux ex-vice-présidents chez CIMA+) et Michel Lavoie (ex-responsable du service des infrastructures pour la région du Grand Montréal) avaient écopé d’une radiation respective de 42, 20 et 11 mois.
Selon la Ville de Laval, ce vaste système criminel aurait permis de détourner au moins 116 M$ en surfacturation entre 1996 et 2010.