L’Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de prendre tous les moyens nécessaires pour obtenir l’accès intégral, sans caviardage, du chapitre que le rapport final de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (CEIC) consacre à Laval.
Déposée par le député péquiste de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, la motion a été adoptée à l’unanimité des parlementaires, sans débat, le 14 février.
«Nous avons une volonté d’aller au fond des choses, indique le principal intéressé dans une déclaration transmise au Courrier Laval. Nous demandons au gouvernement d’informer les Lavallois de ce qui se trouve dans le rapport. On fait œuvre utile avec cette motion.»
Caviardé mur à mur
Plus de 8 ans après la publication du rapport final de la commission Charbonneau, 76 des 81 pages relatant la corruption et la collusion érigées en système sous l’administration du maire déchu Gilles Vaillancourt sont toujours caviardées mur à mur.
En fait, à peine une douzaine de paragraphes échappent à la censure, tous liés au stratagème des prête-noms alors révélé par l’ex-agent officiel et trésorier du défunt parti PRO des Lavallois – Équipe Vaillancourt, Jean Bertrand.
Cette pratique avait permis de blanchir plus d’un demi-million de dollars provenant des cartels d’ingénieurs et d’entrepreneurs qui versaient 2 % de la valeur des contrats obtenus à la Ville.
À l’exception de deux nouvelles recrues en 2009 et du vétéran Robert Plante qui, lui, a toujours refusé d’être remboursé en argent comptant pour ses contributions politiques, tous les conseillers municipaux élus sous Vaillancourt ont servi de prête-noms. Tout comme leur conjoint(e) et certains proches pour la très grande majorité d’entre eux.
Caviardage injustifié
«Il n’y a aucune raison que ce ne soit pas décaviardé», affirme au téléphone l’ex-enquêteur à la Commission et coauteur du rapport final qui tient sur plus de 1700 pages, André Noël.
«Il y a des leçons à tirer du rapport et il ne faut pas les oublier, d’où l’importance de rendre le tout public», poursuit le journaliste indépendant.
D’autant que le système mis au jour à Laval fut l’«un des pires, sinon le pire exemple de corruption municipale qui s’est retrouvé devant un tribunal canadien», selon le juge James Brunton.
C’est d’ailleurs une sortie publique d’André Noël à l’émission Tout peut arriver sur les ondes d’ICI Première, le 20 janvier dernier, qui est à l’origine de la motion présentée hier par le Parti québécois.
Rappelons qu’au dépôt du rapport, en novembre 2015, le chapitre lavallois avait été caviardé afin de ne pas nuire au procès criminel intenté contre Gilles Vaillancourt et 33 de ses complices et coaccusés.
Dix ans après la rafle de l’UPAC, la saga judiciaire entourant le scandale de corruption à Laval a pris fin le 27 juillet 2023 avec le refus de la Cour suprême du Canada d’entendre l’appel de l’ex-magnat de la construction Tony Accurso. Au terme d’un second procès, ce dernier avait été déclaré coupable le 25 juin 2018 pour complot, fraude, corruption dans les affaires municipales et abus de confiance, écopant d’une peine de quatre ans d’emprisonnement.
20 jours d’audience
Entre le 15 mai et le 19 juin 2013, la commission Charbonneau a vu défiler à la barre des témoins d’ex-hauts-fonctionnaires, collecteurs de fonds, ingénieurs, entrepreneurs et élus. Vingt témoins entendus en autant de journées consacrées à la seule Ville de Laval.
Six jours avant le premier témoignage, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait notamment déposé des accusations de gangstérisme contre trois hauts dirigeants de la Ville, à savoir l’ex-maire Gilles Vaillancourt, l’ancien directeur général Claude Asselin et l’ex-directeur du Service d’ingénierie Claude Deguise.
Tous trois ont plaidé coupable à des accusations réduites au terme de longues négociations, écopant respectivement d’une peine d’emprisonnement de 6 ans, 2 ans et 2 ans et demi.